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Côté Beurre
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10 juin 2007

James Blonde ?

Récemment, quelqu’un de ma connaissance a reçu en cadeau le DVD du dernier James Bond, celui que je n’avais pas eu la chance de voir au cinéma à sa sortie. L’ayant à présent dégusté (et sur un écran à plasma qui feraient rougir de honte certaines petites salles de cinéma parisiennes, du style qui mérite des baffles…), je peux vous dire qu’il est distrayant, et que c’est un bon, presque très bon film d’espionnage gentillet.

Mais, selon moi, ce n’est pas un James Bond.

Les puristes diront qu’au contraire, ce film est beaucoup plus proche de l’esprit et de la lettre des romans de Ian Flemming. C’est exact… Des dialogues, des scènes, la trame scénaristique, tout dans ce film est calqué sur le premier roman de la série, Casino Royale (d’où le titre du film). Y compris, d’ailleurs, la scène de torture, qui détermine complètement tout le personnage de James Bond dans les livres.

Cette scène de torture, dans laquelle notre héros est à poils sur une chaise percée et se prend des coups dans les parties en faisant semblant de rigoler, est emblématique. En 1953, lorsque paraît Casino Royale (paru en 1964 sous le titre Espions, faites vos jeux), elle définit l’agent secret comme celui qui prend des coups là où ça fait mal for Queen and country, tout en étant Bond, c'est-à-dire lié par son serment à la couronne.

Il s’agit alors pour le Royaume Uni de retrouver sa virilité perdue dans le monde de l’après-Staline : plus d’empire colonial, un pays qui part un peu à vau-l’eau renfloué uniquement par l’argent de leurs anciens insurgés (les Américains, pour les nuls en histoire), le communisme qui montre du doigt l’occident décadent et la peur des conservateurs de vivre dans un Welfare State (Ah, qu’ils riraient en voyant la France d’aujourd’hui)…

James Bond apparaît alors, dans les romans de Ian Fleming, comme un homme, un vrai, qui bat la CIA et les Russes à leur propre jeu. Ce qu’il ne peut obtenir par la ruse il l’obtient par la force brutale. Il tombe toutes les filles, mais vit en réalité une vie monastique au service de sa Majesté (une femme, une seule), et relègue ses vices au second rang en un instant lorsqu’il s’agit de filer le train aux méchants. C’est le cas dans Casino Royale.

Voilà ce qu’est James Bond selon Ian Fleming, Casino Royale, et peut-être aussi, dans une certaine mesure, selon Dr. No, le tout premier film de la série, avec Sean Connery : Enfin un homme qui a des couilles pour pouvoir les offrir à son pays qui n'en a plus.

Le seul problème c’est qu’il y a une autre école… James Bond, ça n’est pas cela pour tous ceux qui n’ont vu que les films, qui ont grandi avec sans lire les romans. Le personnage de James Bond n’appartient plus à feu Ian Flemming depuis bien longtemps, et dans l’imaginaire collectif, lorsqu’on parle de James Bond, ce n’est pas à une sombre brute qui se fait torturer que l’on pense.

Qu’est-ce donc que ce James Bond cinématographique, pourtant tout aussi virilisant que le précédent ? Plusieurs choses.

Il y a d’abord un générique spécial avec prégénérique spectaculaire, puis un second générique, le vrai celui-là, avec des filles qui volent et se trémoussent partout, et un seul homme, James Bond. Dans le dernier Casino Royale, l’ordre des génériques est bouleversé. Qui plus est le générique ne montre que des hommes en train de se battre. Ce n’est pas que je m’en plaigne, mais ça n’est pas un générique de James Bond.

On trouve des gadgets fantastiques : Un stylo qui fait pistolet, un paquet de cigarette détonateur avec du dentifrice explosif, une montre parachute qui fait aussi les frites et siffle quand on la trempe dans le café… Sans oublier la voiture bourrée d’engins destructeurs. Gadgets qui sont gracieusement fournis par le département Q et ses scientifiques drolatiques, et systématiquement détruits par James Bond au cours du film.

Là, la seule Aston Martin que conduit bond appartient à un financier mafieux et elle est dénuée de tout gadget. Pire : On ne lui donne absolument rien, si ce n’est un stylo qui injecte un antidote et un défibrillateur dans la boite à gants de sa voiture. Et en plus il doit le brancher lui-même ! J’ai connu des James Bond qui auraient préféré mettre directement les doigts dans une prise de courant, c’est plus simple.

L’absence du département Q est déjà choquante, celle de Money Penny, la secrétaire éternellement amoureuse de James (et qu’il déçoit à chaque épisode en ne lui offrent que des fleurs) l’est encore plus. Même avec la présence de Felix Leiter, d’une extrême discrétion, on voit bien que le cœur n’y est pas. On ne retrouve ni les alliés indispensables de Bond, ni sa relation traditionnelle avec M, sa patronne (ou son patron).

Côté méchants non plus, on n’est pas à la noce. D’habitude il y a toujours un savant fou qui veut détruire le monde avec un appareil dantesque (du genre électro-aimant placé au centre de la Terre pour clouer au sol tous ceux qui ont leurs clés dans leurs poches, et ainsi prendre le pouvoir…). Ce méchant possède invariablement une base secrète spacieuse et bien équipée en pièges et bêtes sauvages, comme en hommes de mains.

Dans ce film décidément atypique, Le pseudo-méchant, le Chiffre, n’a qu’un pouvoir : Il sait compter. Il compte vite et bien, mais rien de plus. Il n’a pour se replier qu’un casino pour trafiquants paumé dans le trou du cul du monde (Oui, j’adore le Monténégro, c’est très joli, mais c’est quand même pas Miami ou Monte-Carlo). Pas de fauves, pas de fosse aux scorpions, à peine quelques gorilles, rien de bien élaboré en somme.

Le pire c’est que les vrais méchants, une organisation inconnue, on ne découvre jamais qui ils sont, même à la fin du film. De ce fait, James Bond ne gagne pas vraiment à la fin… Et la mort du Chiffre, qui met fin à son plan assez peu démoniaque de simplement rembourser ses dettes auprès de gens peu recommandables, n’est pas le fait de Bond. Elle n’est même pas la fin du film. Encore une dérogation, tant sur le fond que sur la forme.

La scène de torture est… risible. Passé les préliminaires, durant lesquels on met notre héros tout nu sur une chaise percée (temps que Le Chiffre passe à expliquer qu’il n’aime pas les tortures élaborées, comme c’est pratique…), il a tout juste le temps de frapper (lui-même ! pas de lieutenant ! sacrilège !) deux ou trois fois les testicules de James avec une corde. Mel Gibson en bave dix fois plus dans l’excellent Payback.

Pathétique, non seulement comparé aux longs mois d’interrogatoire coréen avec scorpions et tisonniers de Meurs un autre jour, mais aussi à n’importe quelle séance de bondage SM un peu violente ! La partie de boules est interrompue par les vrais méchants, lesquels vont tuer le faux méchant et laisser James bond en vie, probablement parce qu’il n’est pas assez intéressant. Rien de grave pour la virilité… au sens physique.

Ce qui nous amène aux James Bond Girls. Normalement il y en a deux, une gentille et une méchante, sachant qu’elles sont toutes connes comme leurs pieds. James Bond se les tape toutes les deux. Dans Casino Royale, l’une meurt avant de passer à la casserole correctement, et le héros commet le pêché mortel de tomber amoureux de l’autre. Bond qui démissionne, passe encore… Mais pour une FEMME ?! Blasphème !

Bond n’est marié qu’à son pays, c’est bien connu, il laisse tomber ses amantes de passage… Et ça ne lui ressemble pas de se poser des questions comme il le fait dans ce dernier film. D’ailleurs c’est comme ça qu’il tombe dans le panneau et fait confiance à cette pauvre pouffe de comptable lors de leur voyage à Venise, en amoureux. Il se fait donc entuber si profond que son cul doit ressembler au Grand Canal.

Passons rapidement sur d’autres détails qui font que Bond n’est pas Bond : Pas de vodka-martini au shaker (et il insiste là-dessus, en plus !), pas non plus de beretta 7.65. Cet agent pas franchement très secret, ancien SAS, bricole avec les armes qu’il trouve, laissant derrière lui une traînée de cadavres de bien mauvais goût et trucidant d’une manière particulièrement peu fine ceux qui se trouvent sur son chemin, comme un vulgaire meurtrier.

En fait, ce qui manque le plus à ce dernier James Bond, c’est… James Bond. En toute logique, James est brun, à la rigueur brun clair, intelligent et fin, polyglotte, homme du monde, toujours bien habillé, prompt à manier un humour désinvolte cachant ses humeurs taciturnes, velu, sexy et finement musclé. Qu’avons-nous là en la personne de Daniel Craig ? L’antithèse parfaite de ce personnage.

D’un blond aryen, c’est un ex-soldat brutal qui trouve plus simple de tuer pour arriver à ses fins que de délier les langues. Comme il est aussi homme du monde qu’un pet de mammouth, l’une des James Bond Girls qui doit lui apprendre à s’habiller. Il n’a aucun talent pour les bons mots, il est fin comme du gros sel. En prime, il est monté comme une nageuse est-allemande de la grande époque, et il est complètement imberbe !

Vous en conviendrez, c’est un sacré revirement pour un nom qui fête cette année ses 45 ans au cinéma, symbole de toute une époque, des générations de la guerre mondiale à celles de la guerre froide.

Chacun ses goûts. Selon le James avec lequel vous avez été élevé, vous aimerez ou non ce sale crapaud lisse de peau, laid comme un pou et imbécile comme un militaire, véritable bœuf aux hormones qui tombe dans tous les pièges et ne doit son salut qu’au fait que sa copine ait pactisé avec le SMERSH (dont il ne connaît alors même pas l’existence, et alors qu’il n’a rien vu venir).

Vous pourriez vous féliciter du fait que la franchise semble s’éloigner des clichés largement repris par les nombreuses parodies et produits dérivés (à commencer par le Casino Royale original, avec Woody Allen, Peter Sellers, et un casting si long et prestigieux qu’il serait vain de le citer…), et qu’on recentre ainsi la série sur l’œuvre de Ian Flemming et sur les origines d’un personnage qui n’a jamais été très développé.

Mais dans ce cas pourquoi ne pas avoir placé l’action du film en 1953 ? Ce n’était pas assez grand public ? Pourquoi avoir choisi de placer ce film après les autres, mais sans tenir compte de ce qui a déjà été fait ? Cette pirouette temporelle tout aussi maladroite que celle d’un Superman Returns. J’ai trouvé ce dernier film plutôt bon et distrayant (comme Casino Royale), mais c’était un parti pris plutôt gauche.

Et, à la différence de Superman Returns, qui tordait la vraisemblance tant et plus pour préserver l’intégrité de son personnage principal, c’est justement pour changer le héros (qui donne pourtant son nom et ses caractéristiques principales à la franchise) que ce dernier James Bond n’est qu’un pseudo-007. Je persiste et signe, pour moi, ce James Bond maladroit n’en est tout simplement pas un, même s’il a d’autres mérites.

Sera-t-il un hiatus de plus dans la série, comme Au service secret de sa majesté ? Ces changements profonds seront-ils permanents, pour s’éloigner d’un modèle qui n’est plus pris au sérieux passé l’âge de dix ans ? Soit dit en passant, ce film, pareillement, est loin d’être réaliste, dés le prégénérique acrobatique jusqu’à sa fin téléphonée. Comme beaucoup de fans, je n’aurai de réponse à mes questions qu’au prochain Bond…

… Du moins si je vais le voir, sachant que je ne me suis pas déplacé au cinéma pour celui-ci.

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Commentaires
H
Hé oui, comment James Bond peut devenir James Bond ? On aurait presque pu prendre un petit boutonneux à l'haleine pas fraîche pour le jouer... Enfin bon, les bouquins sont du niveau de roman de gare de sous-préfecture, donc je suis pas complètement étonné que le film soit pourri, s'il se rapproche plus du livre que les autres.<br /> Par contre, ne dis pas trop de mal de "au service secret de sa majesté", c'est mon préféré, et ça n'a rien à voir avec le nombre de James bond girls.
M
Tout à fait d'accord , cet acteur est l'anti J.B.<br /> Il me fait plus penser à Poutine qu'à un serviteur de sa gracieuse majesté, de plus la scéne de torture est absolument ridicule!<br /> Oh déception! où sont les J.B d'antan, j'espere qu'il y aura assez de critiques pour qu'ils revoient leur copie pour le prochain (?)
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