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Côté Beurre
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6 juin 2007

La Procure, 9

Dans la lignée des pires théories racistes, nous allons aujourd’hui classifier les êtres humains. Oh, ne vous inquiétez pas, il ne s’agit pas de faire de la discrimination… Ils sont tous cons. Nous allons tout simplement passer en revue les principaux archétypes de justiciables qui viennent se perdre dans les méandres bureaucratiques de nos tribunaux d’instances. Enfin, les plus gratinés.

Le cendrier humain : Il arrive que des SDF entrent pour profiter de la chaleur, de la fraîcheur, des toilettes ou d’une machine à café… Mais ceux-là viennent rarement aux guichets. Il y a en revanche, de temps en temps, quelqu’un de si nauséabond que l’odeur de crasse, de tabac, d’alcool et autres halitoseries traverse allègrement l’hygiaphone (quand il y en a un) pour vous faire presque vomir. De tristes clowns qui titubent.

La parturiente : Planète ventripotente en fin de grossesse, elle est si énorme qu’elle génère sa propre gravité : de petits satellites hurlants, bousculant par ennui tout ce qui bouge ou pas, lui tournent autour. Douce et compréhensive lorsqu’ils l’empêchent de faire ses démarches, son climat change pour celui, volcanique et orageux, d’une géante gazeuse… De façon lunatique et sans avertissement.

Pompon et Pomponnette : Lui vient tout d’abord, le regard lourd et bovin. Il ne comprend rien, jamais, même lorsqu’on lui explique douze fois avec des mots simples… Il a décidé qu’il était bête. Il l’est sans doute, mais au fond, quelle différence ? Le lendemain, il revient avec sa femme. Elle, bien que bobonne au foyer, comprend absolument tout, très vite. Elle lui explique avec les mêmes mots que le préposé… Et, miracle, il y arrive !

Les ancêtres momifiés : D’une extrême lenteur, il en existe de deux types… Les chiants, et les cons. Les chiants sont gentils, mais ils vous bassinent avec leurs questions ineptes et vous inondent d’une logorrhée d’informations inutiles sur ce qu’ils imaginent être leur cas. Les cons parlent peu et méprisent tout, et disent que c’est de la faute du préposé s’ils ont fait des erreurs alors qu’ils ont simplement refusé d’écouter en premier lieu.

La sphérique : De quelque côté qu’on la regarde, elle est toujours égale à elle-même. Conne. Elle ne comprend rien, et elle ne sait pas quoi dire ou quoi faire. Elle viendrait porter plainte dans une boulangerie. C’est souvent une blondasse à décolleté bien vulgaire, mais on peut citer en vrac le sportif bas du front, le baba cool à la recherche du neurone perdu, la commère au QI sensiblement égal à celui de son cabas…

Le militant : Incroyablement borné, il estime qu’une cause impossible (voter par correspondance, sans mandataire, en passant par Pékin bien qu’il réside en France…) est pour lui un droit et veut à tout prix l’obtenir, ramenant papier sur papier, traînant de tribunal en tribunal, rameutant des associations, menaçant, suppliant, errant d’un guichet à l’autre avec une patience incroyable pour quelqu’un qui s’énerve autant… En pure perte.

Le survivant traumatisé : Inquiet de nature, il fait de la survie en milieu administratif un art de vivre, et est paré à toute éventualité. Au cas où, il a TOUT amené : livret de famille, factures EDF, visa estonien, carte de sécu de 1984, tour de taille de ses cousins germains à 5, 10, 15 et 20 ans… Il ne pose pas UNE question, il en pose cinquante, toutes sur des variantes de son cas, et pose les mêmes à des préposés différents, pour être sûr.

L’aboyeur : C’est toujours de la faute des autres. Les fonctionnaires ont toujours tort. D’ailleurs ce ne sont pas des vrais gens… Normal, les vrais gens travaillent, eux, ils n’ont pas de vacances partout ni de salaire royal, et la sécurité de l’emploi… Donc les fonctionnaires méritent qu’on leur crie dessus. D’ailleurs c’est comme ça que l’on active la machine : On crie à un bout, il ressort des papiers. C’est connu.

Le bluffer : Peut-être un paranoïaque de la conspiration, qui sait ? Il parle par cas hypothétiques, il dit qu’il s’agit d’un ami, il émet des suppositions… Et lorsqu’il veut vraiment obtenir quelque chose, il n’expose jamais son cas personnel, mais ce qu’il croit être une série de faits qui lui permettront d’obtenir le papier dont il croit avoir besoin. Ce tissu de bobard est vite éventé, et ne mène évidemment nulle part…

Le Zétranjé : Je pas parler, pas savoir. Tificat du français ? Pour un certificat de nationalité c’est le deuxième guichet… Sivôplé cherche ? Ti veux m’aider ? Ici c’est les procurations, là-bas c’est la nationalité, monsieur… Quoi c’est la procration, cé français ? Moi zétranjé. Moi veux nationalité ! C’est là-bas monsieur, regardez, c’est écrit… Ou moi nationalité ? AU BOUT DE MON DOIGT, LA !!! C’est bon, t’inerve pas, counard !

L’important : C’est pour eux un véritable supplice que d’être là, mêlé au peuple. Ils désirent avant tout faire usage de privilèges (dont on a déjà parlé) qui les en différencieront, et minimiser tout contact avec la plèbe. L’important cherche à écourter les explications avec ses « Merci, je ne suis pas idiot ! » méprisants, à tout emporter chez-lui … Evidemment ce sont eux qui finissent par passer le plus de temps au tribunal.

Les styles genres : Lookés à mort, ils arrivent seuls ou en petit groupe pour faire des démarches administratives avec un sérieux presque guindé, du haut de leurs dix-huit ans. Punks, tatoués, percés, tendances, savamment négligés, maquillés, gélifiés, quel que soit le genre qu’ils se donnent. Ils sont grands maintenant. Si, si. Et le pire c’est qu’ils croient être spéciaux alors qu’ils sont RIGOUREUSEMENT TOUS des cas lambdas sur le papier…

L’égaré humanum est : Les administrations sont ouvertes, ces importuns ne trouvent donc pas porte close… Parfaitement imperméable à la présence de panneaux, de numéros aux portes, d’avocats et de guichets, l’égaré demande à qui veut bien lui répondre s’il est bien dans les locaux de Machin SA, s’il est dans la rue Truc, si Untel habite là… Ou si on connaît le code de l’immeuble d’à côté, histoire de déposer un truc en passant.

L’aimable : Fort heureusement, il s’agit de 85% des gens, voire plus. Ils sont gentils, adorent qu’on les aide, sourient volontiers à qui les traite poliment, ne font pas d’ennuis ni de complications, et remplissent raisonnablement bien les papiers même si parfois il leur arrive de recommencer à cause d’une rature… Rien que de très normal en somme. Et ceux-là sont les seuls à repartir satisfaits presque à tous les coups.

Il y en a beaucoup d’autres, bien entendu, et certains cas sociaux sont de joyeux mélanges de tous ceux-là avec une petite touche de folie personnelle en prime. A la lumière de cette courte liste, il est fort étonnant que tout le système fonctionne… A moins que les fonctionnaires soient exemplaires. Et pourtant, ils sont loin de l’être : Je publierai bientôt une liste de LEURS archétypes !

En attendant, avec des cas aussi désespérés, le fait que ça ne fonctionne encore pas trop mal avec trois bouts de ficelles redonne foi en l’humanité, non ?

Guichet_de_sous_pr_fecture_dans_l_Oise

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Commentaires
M
j'ai bien ri à toutes les catégories et me suis plutôt retrouvée dans celle des 85% voire plus ! mais je n'en suis pas fière, j'attends avec impatience la suite promise, là je vais savoir enfin après 35 ans de vie professionnelle dans la fonction publique , ce que j'ai loupé :)
C
Hé bien ! Quel listing !<br /> Très agréable à lire, tu devrais créer une encyclopédie des archétypes. Je suis sûr que ton humour, tantot noir tantot acide, plairait.
S
ce qui est agaçant tu le rend drôle, enfin,tu parviens peut-être à n'être même pas agacé, tu vas finir par aimer tout le monde El RomAngelo ;-) Ma préférée; la parturiente.
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