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Côté Beurre
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2 décembre 2006

Supermahn... Supermahn... Vous seriez pas juif, vous, des fois ?

Superman est de retour. Enfin, il l'était dans son dernier film. Si vous l'avez vu, vous savez qu'il est bourré de références christiques : Un bambin très spécial littéralement tombé du ciel, qui communique avec son papa tout en blanc dans un palais lumineux, père éternel qui lui parle depuis l'au-delà, est élevé par des gens simples, mais devient vite un sauveur (LE Sauveur ?) en accomplissant des miracles.

D'une morale et d'une droiture irréprochable en même temps que plein de compassion, Superman est dans ce film une métaphore particulièrement efficace dans le style "Je suis là pour vous sauver, pour vous montrer la voie, mais je ne peux pas faire des miracles pour tout le monde, alors aimez-vous les uns les autres"... Mais il est là, il sera toujours là, et il entend tout (il le dit à Loïs Lane d'ailleurs).

On peut se demander si c'est du lard ou du cochon. Superman, ce christ pseudo scientifique, réagit-il à l'eau bénite comme à la kryptonite ? Les films évitent toute référence religieuse directe, du moins celles associées à notre héros, d'une laïcité rare pour un fils adoptif de fermier du MidWest ! Pas une seule fois on ne le voit entrer dans une église. Bon, moi, j'approuve sans réserve, mais c'est curieux, non ?

Parce que ce qu'on apprend dans le nouveau cours spécial de l'université pontificale Regina Apostolarum (qui croule littéralement sous les demandes d'inscriptions, naturellement), qui a pour thème les satanistes et les possessions diaboliques, c'est, outre la manière de faire un exorcisme, comment repérer les possédés du démon. Superman est mal barré, et pas qu'à cause de son S du dernier suspect.

Les possédés sont censés faire montre, entre autres, de force surhumaine, pouvoir parler des langues inconnues et/ou multiples, faire preuve de clairvoyance ou clairaudience (super vue, vision à travers les murs et super ouïe, permettant la révélation d'informations, d'épisodes et de circonstances éloignées dans le temps ou l'espace), et d'une réaction violente aux symboles sacrés...

Je ne fais que reprendre les propos de Gabriele Amorth, célèbre exorciste de Rome. L'homme d'acier, qui a fait montre de toutes ces prouesses, ne fait-il donc que détourner via les bandes dessinées une foi et une dévotion qui devrait être dévolue à Jésus ? Superman est-il une forme d'antéchrist ? Le fait qu'il n'entre jamais dans une quelconque église ou qu'il n’ait pas de confession est-il anodin ?

Ce n'est pas le père Amorth qui dit ça, c'est juste une élucubration... Lui, il se contente d'exorciser. Même si je ne crois pas un mot de toutes ces bondieuseries et que j'aurais plutôt tendance à considérer Superman comme le moins poussiéreux des deux mythes, tout en croyant autant aux deux (c'est à dire pas du tout), tout ceci semble familier : C'est le leitmotiv "les illustrés corrompent la jeunesse" !

Superman est d'ailleurs conçu volontairement comme un sauveur, mais pas celui qu'on croit. Il s'agit, à sa création en 1938, d'une réponse consciente et américaine aux Übermenshen du IIIe Reich. A l'origine, il ne faisait pas montre de pouvoirs trop extraordinaires, seulement super-humains : Plus "dense" que la normale, il était plus fort, plus résistant, et il ne savait pas voler, juste sauter par dessus les immeubles...

Au début, il n'a même pas de cape ! Superman est un mélange de symboles : Brun au lieu de blond, indissociable d'un symbole, d'une lettre, et surtout protecteur unique, solitaire et tout en muscle du mode de vie qu'il a choisi et de sa communauté ("mankind, democracy and the American Way"), c'est la réaction d'un auteur juif des années 30 face à la "race des seigneurs" : Un Golem. S comme Sion ?

Superman est solitaire, simple, parfait (d'aucuns diront "sans aucune épaisseur", une critique légitime même si j'ai un faible pour ce héros...), issu d'une ère pré-nucléaire confite de perfectionnisme. C'est un homo superior, mais qui n'implique pas (sauf dans le dernier film et dans une série qui n'a pas vraiment eu de succès) de descendance. C'est par la suite qu'il a été "détourné", si on peut dire.

Fasciste, Superman ? Oui et non. C'est le héros de la démocratie, mais c'est avant tout le représentant de l'ordre. Sa création a été, c'est un fait avoué, mûrie depuis 1932 inspirée par le roman de Philip Wylie paru en 1930, Gladiator, qui parle d'un homme dont le père, scientifique obsédé par le "potentiel humain" et l'évolution, a fait sur lui des expériences alors qu'il en était encore au stade foetal.

Le Gladiator doit, en grandissant, cacher ses pouvoirs qui le rendent quasi-invulnérable et super-fort, de peur que des politiciens corrompus et des scientifiques peu scrupuleux ne l'exploitent pour créer une armée de surhommes. Ce héros a d'ailleurs fait l'objet de Comics par DC et Marvel, ainsi qu'une adaptation comique au cinéma en 1938, quelques mois à peine après les débuts de Superman !

On voit ici le lien entre Superman et l'eugénisme, réactivé par ces histoires de "Son of Superman" et involontairement par tous ceux qui voudraient qu'il soit possible à Loïs Lane et Clark Kent d'élever un fruit de leur union. Et ce malgré l'impossibilité, nous disent les faits scientifiques depuis Darwin, de la procréation entre deux espèces différentes, fussent-elles similaires. Mais bon, si c'était réaliste, ça se saurait, aussi...

Alors que les X-Men, qui parlent aussi d'évolution et d'eugénisme, mais prennent un tour anarchiste avec leurs factions et leurs individualismes, prônant la diversité et les imperfections de chacun d'une manière joyeusement chaotique, eux, sont quand même assez détestés de leur monde. C'est sûr, les fans de comics les adorent, mais c'est parce qu'ils sont extrêmes et contre l'autorité : Pour d'autres raisons.

Superman, le juif pseudo-scientifique, devrait être le défenseur des minorités, en toute logique. Ce qu'il est, dans une certaine mesure, mais c'est toujours celui qui replace le drapeau américain sur la Maison Blanche... Là où les nouveaux "enfants de l'atome", les X-Men, ont pris le chemin d'un certain anti-conformisme. Et chacun remercie Superman ouvertement, alors que les X-Men sont controversés.

Plus américain et plus "new world order" que Superman, il n'y a pas. Dans son dernier film, il revient en sauvant une navette spatiale et un avion qui va s'écraser, et dépose el colis dans un stade de baseball. Il revisite les catastrophes de Challenger et Columbia, le 11 septembre, et la corruption du baseball. Les gens l'acclament, sa fiancée s'évanouit... Il rassure, et pourtant... Quand même, ça fait facho !

Mais je vais vous dire pourquoi on les remercie, ces héros : Parce qu'on les craint. On les remercie de donner l'espoir, d'avoir pris fait et cause pour l'humanité, qui leur est un peu ou beaucoup étrangère, plutôt que de la conquérir (comme certains mutants, et comme d'une certaine façon les Slans de Van Vogt, à la fois fascisants et éclairés, un thème cher à cet auteur). X rassure moins que S, mais la peur est là.

On les aime parce qu'on voudrait être comme eux. Les minorités (les gays notamment) et les ados s'approprient les superhéros à cause de toutes ces histoires de différence, d'intégration à la société, et bien sûr d'oppression. Mais il n'en reste pas moins que la peur d'être génétiquement supplanté, sans qu'on puisse rien y faire, est réelle. C'est celle de Lex Luthor, et sa tirade sur les dieux dans le dernier film.

Cette tirade le rend d'ailleurs sympathique : Il reproche sa supériorité à Superman, lui si clairement chauve et moralement inadapté (quel euphémisme...) malgré son génie, l'accusant d'être un dieu qui ne veut pas partager avec l'humanité les bienfaits kryptoniens dont il a hérité. Et Superman, en faisant cocu (d'une façon confuse et politiquement correcte) le mari de Loïs Lane, confirme la peur d'être supplanté de l'homo sapiens.

Ce qui nous amène à des Da Vinci Coderies du genre : Est-ce que cela fait de Loïs Lane une image de Marie Madeleine, puisque Superman est lui-même christique ? Passons. Cette histoire de gosse illégitime est quand même controversée : beaucoup de gens n'ont pas aimé, Kevin Smith (célèbre réalisateur, acteur et scénariste de comics) non plus, mais c'est du Bryan Singer tout craché : seul un gay pouvait pondre ça.

Soit dit en passant, une amie me fait remarquer que Loïs Lane, dans ce film, ets uen figure mariale (de Marie) : Il y a cette histoire d'immaculée conception (on ne sait pas trop d'où vient le gosse et quand ils l'ont fait), d'un mari cocufié par un "dieu", et Loïs n'a pas d'autres enfants : C'est un genre de mère vierge. Avec son rédacteur en chef bien boeuf, et Jimmy Olsen qui n'est qu'un âne, au fond...

Superman qui descend du ciel dans une étoile filante, la colombe (de la paix ? de l'esprit saint ?) dans la scène mythique ou Superman et Loïs Lane volent ensemble, dans le 1er avec Christopher Reeves... Superman qui doit mourir et ressusciter dans le dernier film... Et dans Superman II, pour baiser avec Loïs Lane, il se transforme temporairemnet en humain : Dieu fait homme ? Symboles en vrac, la liste est longue.

Après moult digressions, faisons un petit bilan : Superman, figure christique et sauveur de l'humanité, est en fait issu d'un mélange entre pseudoscience et symboles juifs. A l'origine contre le nazisme, il est naturellement le représentant de l'ordre (certes un ordre "amical", à l'américaine, quoique certains que je connais me diront que l'ordre américain est tout sauf amical en ce moment, mais là n'est pas la question).

Notre héros au sourire si doux a graduellement perdu de sa superbe, et est devenu faillible, voire mortel (il est mort une fois ou deux, dans les comics). Déjà du temps de Christopher Reeves, il se commettait à des ébats salaces avec Loïs (Margot Kidder, en plus... berk...), et il revient aujourd'hui transformé. Il a commis le sacrilège qui a fini de le moderniser par rapport à Jésus, ou de le damner, au choix.

Oui, on est un peu parti dans tous les sens avec ces histoires d'eugénisme, mais le fait est là : Nous parlons de la transformation de la race humaine. Que ce soit en entrant dans l'âge de la grâce avec Jésus, ou dans l'ère du Verseau, du Poisson ou du machinchose avec un nouveau messie, ou bien par la supplantation de l'homo sapiens par des mutants, ou encore par la propagation à l'humanité des super-gènes de Kal El...

Malgré les oppositions totales des croyances et de toutes ces visions superposées du personnage de Superman, au bout du compte, on revient toujours à la même chose. Il n'est pas question d'arbitrer, le mythe de Superman est à tout le monde (il a d'ailleurs été déclaré comme faisant partie du folklore américain il n'y a pas longtemps, et a fait l'objet de timbres)... A chacun de se l’approprier selon sa conviction.

Science contre religion, ordre contre chaos, surhumain contre inhumain, héros contre survivaliste, intégration contre affirmation, on retrouve tout ceci dans les histoires de surhommes, ce thème récurrent à la fois adoré et haï de l'humanité. La question de la perfectibilité de l'humain est un tel paradoxe qu'on la retrouve dans toutes les religions, et à présent dans les doctrines politiques et scientifiques.

Evolution et transcendance, un mélange entêtant. Saviez-vous que la plupart des histoires de mutations, dont X-Men, ont fait l'objet d'une explication foireuse et religieuse ? Si, si. La plupart du temps elle met en jeu des extraterrestres quasi-divins (encore des dieux, encore des surêtres...) qui, comme dans 2001 (l'odyssée chiante de l'espace), influencent l'humanité de manière plus ou moins discrète.

Que Superman soit un christ ou un surhomme, un antéchrist ou un nazillon, il fait partie de cette mouvance de demi-dieux (mortels évolués ou dieux tombés du ciel) qui guide l'humanité vers son avenir, quel qu'il puisse être. Tous ces héros sont donc à la limite entre rassurer et faire peur, selon que leur public en a besoin ou non. Superman rassure un max, tout en ayant un message de plus en plus contradictoire.

Le dernier film de Superman dérange. Il n'a pas fait tant d'argent que ça, et, comme X-Men III (qui est aussi bourré d'allusions christiques) est globalement considéré comme un ratage (total ou à moitié). On lui met sur le dos, à ce pauvre surhomme, qu'il n'est pas assez "dark" et trop conformiste pour notre époque... Peut-être est-il trop américain pour porter un message aussi contradictoire que celui qu'on a vu.

Au milieu des héros "extrêmes" comme les X-Men, qui, eux, sont carrément racoleurs pour tous ceux qui se croient contestataires parce qu'ils prônent ouvertement une forme de rébellion, Superman avance seul, droit dans ses bottes, l'autre côté du paradoxe de l'individualisme "de masse"... C'est ce qui en fait, comme Jésus et nos amis mutants, et leurs ennemis caricaturaux, Satan, le général Zod, Luthor et Magneto, un héros éternel.

Même s'ils sont tous ridicules, irréalistes, débiles, remixés, revampés, resucés, liftés, rendus méconnaissables, parfaits ou faillibles, cuculs et tout et tout, des décennies (des millénaires !) après leur création, ils représentent toujours une partie de nous. Les peurs et les espoirs de l'humanité... On dirait un discours d'introduction du nouveau héros à la mode, et pour cause. L'avenir ne se démode jamais.

Encore_un_billet_d_humeur_sur_Superman___a_baisse__l_inspiration

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