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Côté Beurre
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2 décembre 2008

Mange, mon fils !

Encore un billet, publié le 13 décembre 2005, qui fulmine avec humour contre la fausse nostalgie et les vieux !

A l'approche des fêtes et des plantureux repas hivernaux qu'elles promettent, des bouffées de nostalgie culinaire flottent parmi nous, anonymes flatulences de nos esprits soumis. Il semble aujourd'hui naturel, logique et même positif d'avoir la nostalgie de la cuisine de grand-mère. Et pourquoi pas ? L'image stéréotypée de la mamie gâteau souriante est la base publicitaire de Mamie Nova et des soupes Liebig façon Grand-mère...

Mais cela m'intrigue : Chacun ayant ses propres grands parents, comment peut-on tous regretter la même chose ? Il me semble qu'il s'agit de quelque chose de purement affectif, qui n'a aucun rapport avec le goût exact de ladite cuisine. Pour rétablir la vérité, voilà quelques caractères spécifiques de la cuisine de vieux séniles, recueillis grâce à des témoignages. Quitte à être nostalgique, autant que ce soit pour quelque chose de vécu, non ?

1) La quantité fait la qualité :

Autrement dit, si un plat est bon, c'est meilleur quand il y en a plus. La cuisine de certaines grand-mères atteint vite des quantités astronomiques, donnant des crises de foie à leur descendance à force de services supplémentaires. Exemple : "Mais tu es si maigre mon chéri ! Ressers-toi une quatrième fois !"

2) Quand un produit est bon, il est bon n'importe où :

Certaines grand-mère trouvent qu'un produit, qu'une denrée ou qu'un ingrédient (le saindoux, le rhum de cuisine, le riz, le glutamate...) est absolument délicieux, et donne à tout le reste un goût exquis. Elles en mettent donc dans tous les plats. Exemple : "Tu aimes la crème avec les fraises, pourquoi pas dans les nouilles au ketchup ?"

2 bis) Quand un produit est bon, on en rajoute :

Quand un ingrédient apporte quelque chose à un plat, pourquoi en mettre un soupçon alors qu'on peut en rajouter ? A chaque fois que le vieux fait ce plat, il en rajoute un peu plus. Ce qui commence comme un délicieux lapin à la moutarde devient, après quelques années, de la moutarde avec un bout de lapin dedans.

2 ter) Quand un plat est bon, on le fait tout le temps :

Par "souvent", il faut entendre constamment, en toutes circonstances, par delà les années. Dés que la vieille connaît un plat qu'elle pense que l'un de ses descendants aime, elle le refait à toutes les occasions. C'est ainsi qu'on peut se retrouver avec du couscous à Noël. Exemple : "Mais tu aimais ça quand tu étais petit..."

3) Quand on a fait la guerre, tout se garde :

Il est des vieux qui ne supportent pas de jeter. Faisant des quantités de conserves et confitures, ils les remisent pendant des mois en vue de les offrir. Hélas, tout passe... Exemple : "Les enfants, venez voir la confiture de coings que Mamina vous apporte... Vous enlevez la couche bleue, en dessous tout est bon !"

4) Les ingrédients de ma jeunesse :

Les vieux sont habitués à cuisiner avec les produits de leur temps. Parfois ça passe bien, parfois ils ont vécu une époque de privation et d'horreur culinaire. Exemple : "C'est bon ? C'est du tapioca à la margarine. J'ai mis du Spigol, ça remplace le safran. Ils n'en vendent plus, j'en ai retrouvé au fond d'un placard."

5) Je suis vieille, quand je suis seule je ne cuisine pas, j'ai perdu la main :

Il y a des vieillardes que ça emmerde de cuisiner, tout bêtement. A leur âge, elles estiment avoir besoin de repos et mérité le droit de ne pas se faire chier pour leurs petits enfants, aussi ne reçoivent-elles pas bien. Exemple : "J'ai fait des pâtes et il y a un poulet de chez le boucher. L'entrée j'ai pas eu le temps."

6) Cuisiner ? Et puis quoi encore ?

Enfin, et c'est un cas plus courant qu'on ne l'imagine, il y a énormément de grand-mères qui ne savent pas cuisiner, faute de l'avoir appris. Exemple : "J'ai fait un gâteau... Ce sont des petits beurres empilés et soudés avec du chocolat fondu. Je me suis donné du mal pour les enfants, j'ai trouvé la recette dans picsou magazine."

Evidemment, cette liste est non exhaustive, et chaque caractère est cumulatif. Par exemple, certaines grand-mères ont les traits 1, 2, 2bis, 3, 4 et 5... Elles font donc de très grandes quantités de plats qui contiennent tous énormément d'un horrible ersatz de leur jeunesse, censé donner un bon goût à tout, et les laissent moisir longtemps avant de les offrir à tout le monde. Et, quand elles reçoivent, prétextent un manque de pratique.

Si, si, ça existe, il se trouve que ma propre grand-mère est un tel spécimen. Extrême ? Peut-être, encore que j'en doute. La démence sénile a des effets étranges sur les qualités culinaires, et c'est vrai pour tous ceux qui y sont soumis. De quoi donner crédit à la charmante publicité détournée en comptine que chantaient nos bambins : "Grand-mère sait faire un bon café, Grand-père est mort empoisonné..."

G_teaux_de_Mamie

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