Le poinçonneur des Lilas...

A des fins didactiques et de salut public, je voudrais donner aujourd'hui un petit cours sur le piercing. Je m'y connais un peu, pour des raisons évidentes à ceux qui me connaissent bien. Il m'a semblé nécessaire d'adopter un ton doctoral et dispenser une fois de plus mon savoir de façon plus que pédante, parce que ce savoir manque à certains (plus nombreux qu'on ne croit).
Beaucoup pensent en effet que le piercing peut être pris à la légère. Il est vrai que ce n'est pas exactement aussi grave que l'appendicite, mais tout piercing, même courant, peut mal tourner. Surtout s'il est mal pratiqué. Ne riez pas, même avec le très courant perçage du lobe de l'oreille, il peut y avoir des infections, et des tas d'autres choses que nous allons d'ailleurs voir ici.
Ceci n'est pas un laïus post-scolaire du genre "le sexe tue" ou "les gens qui ont des piercings sont des délinquants"... Mon but n'est pas de dissuader quiconque de se faire faire un piercing, qui peut être très joli, mais tout simplement d'informer sur ce qu'est réellement cet acte de modification corporelle. Il ne doit pas être pris à la légère, parce qu'il laisse souvent des traces permanentes !

Aujourd'hui, les piercings sont passés dans les moeurs. Si l'employé de banque moyen n'a pas d'os dans le nez ni de lobes allongés, voire même assez peu souvent un piercing à l'arcade, il est de plus en plus courant que les hommes à l'oreille percée "passent". Le lien entre piercing et crime, ou "style de vie alternatif", s'est étiolé : par exemple percer l'oreille droite ne signifie plus l'homosexualité.
Les super héros, les stars d'Hollywood, le monde du spectacle et du sport, tout est une tribune aux modifications corporelles : chacun exhibe son corps modifié, par tatouage, par piercing, ou par chirurgie. Le piercing reste toutefois une forme de mutilation, et, souvent, une forme de communication désespérée ou de rébellion des adolescents dépressifs ou incompris face à leurs parents.
Rassurons les parents, il n'y a rien qui lie le piercing à la drogue ou aux activités illégales, bien que percer des mineurs sans consentement parental soit interdit. Certes, les jeunes attirés par le piercing sont naturellement tentés par ce que la plupart des parents jugent comme amoral, alors si votre fille rentre avec un nombril percé, parlez sexe et drogue... Mais ne l'accusez pas pour autant !
Comprenez que la plupart des criminels boivent de l'alcool, sans pour autant qu'il y ait un rapport... C'est le même principe ! Et de toutes façons à moins de séquestrer votre enfant, vous ne l'empêcherez pas de se faire des trous s'il en a vraiment envie. Tout ce dont il a besoin c'est d'un objet pointu. Et n'évoquez même pas l'argument de la religion : dans la Bible, tatouages et piercings sont courants.
Pour ce qui est des adultes comme des plus jeunes, il n'y a pas vraiment de règle : les raisons de se faire percer dépendent de chaque individu. Il serait futile de les énumérer. Que ce soit l'effet d'une mode, pour commémorer quelque chose, en manière de rituel, ou juste parce que c'est joli, si vous avez décidé de le faire, faites-le... Je pense qu'il n'y a pas de mal ! Mais lisez ceci d'abord.

Qu'est-ce qu'un piercing ? Avant de le faire faire, sachez exactement en quoi ça consiste. C'est simple. C'est un morceau de métal qu'on introduit dans votre corps après avoir pratiqué un trou qui le transperce de part en part. Un peu comme un coup d'épée bien placé, mais en vachement plus petit. En général c'est peu douloureux, sauf sur certaines parties sensibles du corps.
De toutes façons la douleur est de courte durée, et les perceurs s'accordent à dire que, pour la plupart des gens, un anesthésiant n'est pas requis. Il risque d'ailleurs de ralentir la réaction du corps au piercing, ce qui n'est pas très bon : cela ralentit la cicatrisation et peut favoriser une migration du piercing, même si ça reste rare. Et pourquoi vouloir un acte supplémentaire inutile ?
Certains disent en sus que le piercing doit faire mal, que ça fait partie de l'expérience. Il y a des punks qui ne jugent pas l'expérience authentique si elle n'est pratiquée dans une ruelle avec une vieille épingle à nourrice rouillée d'un set de couture tombé par terre... Mais ne les écoutez pas. En tant que procédure invasive, le piercing est une opération chirurgicale, et doit donc être envisagé avec soin !

Arrêtons-nous un instant pour parler de l'instrument de torture qu'on appelle pistolet à piercing, ou piercing gun. Hélas monnaie courante, il est employé dans les centres commerciaux et les boutiques d'accessoires pour petites pouffes pour percer les oreilles. Ou pire, pour percer d'autres parties du corps. Si on vous offre de vous percer avec ça, courez. Loin. Très loin.
Cet outil, conçu dans les années 70 (visiblement à partir d'une machine à coudre portative), est complètement inapproprié pour percer les oreilles, ou quoi que ce soit d'autre. Presque tous les professionnels de la médecine, et TOUS les vrais perceurs, s'accordent pour dire que cet appareil ne peut jamais être correctement stérilisé, et peut de ce fait transmettre des maladies et provoquer des infections.
Sans vouloir vous faire peur, les hépatites ont notamment gagné du terrain à cause de ça. De plus, les gens qui ont un minimum d'expérience savent que les bijoux posés ainsi ne sont pas suffisamment pointus et broient plus qu'ils ne percent les tissus : ça fait mal inutilement, ça guérit lentement et avec un hématome, et ça mène souvent à d'autres complications à la cicatrisation.
Comme si ça ne suffisait pas, les pistolets sont peu précis. Même sur les oreilles (seul endroit pour lesquels ils sont conçus) il arrive souvent que le piercing soit mal placé, ce qui résulte en une migration du bijou (et de toutes façons, le résultat n'est pas ce que vous attendiez). Je ne vous parle même pas des autres parties du corps sur lesquelles le pistolet est employé par des amateurs.
Enfin, le bijou (un "clou" et non un anneau) posé par cet appareil est trop court pour permettre une cicatrisation saine : Tout perceur sait qu'il faut un anneau au début. Le bijou est aussi trop fin, il cisaillera donc les chairs s'il est trop lourd ou sera rejeté par le corps. Le bijou risque de migrer, créant une entaille permanente, ou pire, de se perdre dans le corps et de devoir être retiré chirurgicalement.
Rassurez-vous, j'en ai fini avec les histoires d'horreur... Tous les piercings faits au pistolet ne dégénèrent pas, et des milliers de petites filles sortent contentes de ces boutiques, sans un problème, et dotées de nouvelles boucles d'oreilles aux formes plus cu-cul les unes que les autres, à l'image de leurs grand-mères qui ressortent avec de multiples faux diamants sur les cartilages.

Mais aussi, pourquoi aller se faire percer chez un marchand de verroteries plutôt qu'un perceur ? Les vrais perceurs, même si leur profession n'est pas reconnue en France, sont aisés à repérer. Il existe même une association de professionnels, l'APERF, dont les membres s'engagent à respecter une charte de qualité, en l'absence de contrôles officiels. Renseignez-vous sur Internet ou ailleurs.

Une fois que vous avez repéré une échoppe de perceur, que ce soit aussi un tatoueur ou non, il est facile de déterminer si c'est un perceur sérieux ou non. Cela tient en un mot : STERILISATION. Pourquoi est-ce important ? Eh bien parce que sinon vous pouvez attraper le tétanos, l'hépatite C, le SIDA, ou (pour un piercing à l'oreille ou au visage) être défiguré à vie suite à une infection.
Encore une fois, oui, je confirme, la mort est un scénario réaliste. Que faut-il donc vérifier en cherchant un perceur ? D'abord le studio de piercing doit être propre, non fumeur, doté de toilettes, et sans allergènes (c'est la base). Si vous voyez un animal, par exemple, c'est non tout de suite ! De même, si les aiguilles ne sont pas à usage unique, sortez. Si le perceur n'a pas accès à l'eau du robinet, sortez.
Si le perceur n'a pas de gants type chirurgien, sortez. S'il n'a pas d'espace de travail séparé de la partie "boutique", sortez. A vous de voir si un paravent suffit, au jugé : il faut que l'espace stérile soit bien séparé de l'espace non stérile ! Et s'il n'y a pas de surfaces planes aisément lavables que l'on recouvre de papier à usage unique ni de table d'examen médical pour s'allonger, sortez, sortez, sortez !
La SEULE façon acceptable de stériliser les instruments est l'autoclave. Les instruments doivent être nettoyés (à l'alcool ou à l'eau oxygénée) PUIS stérilisés à l'autoclave avant tout usage. L'autoclave stérilise par une combinaison de pression et de chaleur, et même certains coiffeurs en ont pour leurs ciseaux. Cela s'achète sans licence, et ce n'est pas très cher. Si il n'y a pas ça, sortez tout de suite !
Certains essaieront de vous faire croire que stériliser les aiguilles à la flamme marche. C'est faux. Le combustible utilisé dépose des particules, contaminant l'aiguille, laquelle est de toute façon émoussée et fragilisée dés la première seconde d'exposition. L'eau bouillante, la méthode du pauvre, est peu efficace : Il faut un minimum d'une heure d'ébullition pour avoir une faible certitude !
L'eau oxygénée ne tue pas tous les microbes, mais elle est déjà plus puissante que l'alcool, qui ne fait que désinfecter. La désinfection ne tue pas la plupart des microbes. Même les stérilisations chimiques plus puissantes, pour être vraiment efficaces, doivent être appliquées à la lettre, ce qui n'est pas donné à tout le monde. Aussi, exigez une autoclave ou rien, et des aiguilles à usage unique.

Une fois que vous avez trouvé votre bonheur en matière de lieu stérile, il reste une règle importante : Soyez à l'aise avec votre perceur. S'il a une tête qui ne vous revient pas, s'il n'est pas aimable, sortez. S'il vous considère de haut, sortez. S'il ne réponds pas à toutes vos questions, sortez. Non seulement vous êtes un client, mais vous remettez votre corps entre ses mains. Il se DOIT de vous rassurer.
En tant que professionnel, il doit vous faire signer une décharge, s'assurer que vous n'avez ni bu, ni pris de drogues avant (cela nuit à la guérison, et évite pas mal d'histoires...), n'avoir rien bu ni pris lui-même (de toute évidence !), vérifier que vous êtes majeur ou que vous avez une autorisation parentale (Certains exigent la présence d'un adulte), et marquer sur vous l'endroit exact du piercing !
La décharge spécifie le type de piercing, le prix (pas de mauvaises surprises... et on paie après, le plus souvent, relation de confiance oblige), et tout ce qui est nécessaire. Votre perceur vous remettra les conseils pour prendre soin de votre nouveau piercing, par écrit ou par oral, et sera prêt à répondre à toutes vos questions avant et après la procédure. Il vous proposera un verre d'eau si vous êtes pale.

Il est important de noter qu'il n'y a pas de consensus absolu sur les méthodes de soin post-piercing. Deux perceurs sérieux peuvent donner des conseils différents concernant le même piercing, et avoir tous les deux raison. Si vous avez bien choisi votre perceur et qu'il a établi une relation de confiance, écoutez-le. Bien prendre soin de son piercing augmente les chances de bonne cicatrisation.
En revanche, mal le faire garantit absolument un résultat final peu affriolant, voir un échec du piercing (rejet de l'anneau, grosse cicatrice, infection, septicémie, maladies, etc.). Les soins sont donc aussi importants que la procédure elle-même, et ce durant toute la période de cicatrisation... Et même par la suite lorsque vous vous lavez, n'oubliez pas de nettoyer votre piercing avec le reste !

Les détails varient, mais on peut quand même s'entendre sur le fait de se laver les mains avec un savon anti-microbien (sous les ongles aussi) avant de toucher à votre piercing tout frais. Ne pas toucher un piercing en train de cicatriser avec des mains sales ! Faites tremper votre piercing dans une solution saline (un verre d'eau pour une demi cuillerée à café de sel marin), pas plus de 10 minutes.
Le trempage peut s'effectuer environ une ou deux fois par jour pendant la cicatrisation, tout dépendant du piercing. Nettoyer le piercing avec un savon antibactérien. Vous pouvez aussi utiliser de la betadine (type vaginal, doux) ou un désinfectant similaire. Demandez conseil à votre perceur, lui saura à coup sûr. Pour la langue par exemple, il vous recommandera un bain de bouche spécifique.
D'aucuns recommandent de boire beaucoup de jus d'orange, d'éviter l'aspirine, de prendre du zinc ou de la vitamine C, toutes ces choses qui aident à la cicatrisation. Il est évident que vous devrez éviter de trop boire d'alcool, et si vous êtes sous traitement, il vaut mieux attendre la fin avant. Un bon perceur refuse toujours de percer quelqu'un ayant des problèmes immunitaires ou de cicatrisation.
Oh, et ne grattez pas les croûtes s'il y en a ! Enlevez-les avec des compresses humides et chaudes. S'il y a du pus qui s'écoule, n'enlevez pas votre piercing ! Il aide à drainer l'infection, et, bien nettoyé, il est stérile. En cas de douleur, de formation de boules de tissu cicatriciel peu esthétiques, à l'extérieur ou à l'intérieur, consultez votre perceur avant tout. Il vous recevra pour une urgence.
Avec les médecins, de nos jours encore, c'est la loterie. Certains praticiens, devant un piercing un peu original, pousseront les hauts cris et vous demanderont d'enlever immédiatement cette horreur même sans aucun signe d'infection, prétextant que c'est un nid à germes. C'est faux, ou du moins ça l'est autant que tout autre recoin du corps humain. D'autres vous aideront à guérir avec ou sans !

Voilà... C'est tout pour la base. Mais ça n'est QUE la base. Comprenez que vous devez maintenant aller chercher des renseignements sur le piercing spécifique que vous convoitez, sur Internet ou auprès d'un perceur sérieux. La plupart des après-midi de semaine ne voient que peu de passage dans les studios de piercing, ce qui vous permettra de discuter, de voir les bijoux... Et de comparer les prix !

Une bonne adresse pour démarrer les recherches : www.bmezine.com , la communauté de la modification corporelle. Encyclopédique !
Un excellent salon de piercing et tatouage (un peu snob et certes cher, mais garanti stérile) : www.abraxas.fr
Un autre salon de piercing et tatouage tout aussi bien et moins snob : www.eurotribal.com
Un lien vers le guide de l'APERF des bonne pratiques du piercing (risques compris) : http://www.tarawa.com/piercing-2200040.html
De simples recherches sur Google vous apporteront pléthore d'infos, et les pages jaunes sont là pour trouver des perceurs à proximité.

Comments

[Northern_Star]

merci d'avoir éclairé mes lanternes,je me renseigne depuis quelques années sur la question car je souhaite m'en faire un de piercing.
bonne continuation;)

[Elromanozo]

Je corrige la faute de suite... Cela dit, c'est vrai que quand on n'est pas enclin à tout ça, ça donne pas envie. Mais c'était pas le but ! Si tout est fait normalement par un pro et que tu en prends soin grosso-modo, et que tu n'es pas souffreteux, alors tout va bien ! Et ça reste le cas général. Mais faut avoir envie de se faire faire un piercing au départ ! J'ai réfléchi pendant un an tout en me documentant avant de faire faire le mien.

[creekety]

Je cite :

"En tant que professionnel, il doit vous faire signer une décharge, [blablabla], et marqué sur vous l'endroit exact du piercing !"

Je suis fort dçu de vous !!! C'est une faute d'orthographe où je ne m'y connais pas ! (bon, ok, ET je ne m'y connais pas !!!)

Honteu...
Merci pour la leçon ^^ ca donne vraiment pas envie :D