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Côté Beurre
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14 septembre 2006

Billet à ordre !

Permettez… Que je ne demande pas la permission pour discuter d’un sujet aussi primordial, oserait-on dire primaire, que celui-ci. La permission. L’autorisation. Le laissez-passer, le laisser-faire, voire le laisser-aller ou le laisser dire. C’est bon pour un minable, un gagne-petit, un pleutre ou un timoré. Excusez-moi du peu, mais c’est souvent vrai : qui laisse-t-on pisser, selon l'expression, sinon le mérinos ?

Si vous passez votre vie à demander la permission, comment espérez-vous vivre, justement ? A supposer que vous ayez toujours un humain supérieur au dessus de vous pour vous dire quoi faire, même quand vous faites vos courses, quand vous votez, (un peu pathétique, je trouve, pour un geste qu'on veut convaincu) est-ce que vous aimeriez ça ? Vous vous plairiez dans une dictature ?

Un peu d’initiative, que diable ! Même si ce n’est pas vous qui gérez la tirelire au logis, faites une folie, plaie d’argent n’est pas mortelle. Il n’y a personne sur l’autoroute, la nuit, et vous respectez encore la limitation à 90 sur cette ligne droite géante alors que vous êtes bien éveillé et sobre ? Allez, si vous vous faites prendre, 91 ou 110 ce sera pareil… Il n'y a pas de différence pour la police.

Il est interdit d’utiliser les portables dans les hôpitaux, mais cela fait 5 heures que vous patientez aux urgences et vous devez absolument appeler la voisine pour qu’elle nourrisse le chat ? Appelez tranquille : Tous les médecins se servent de leur portable à l’intérieur, le règlement n’est là que pour éviter le bruit, pour les moutons, pas pour les bergers. C'est une politesse, rien de plus.
Oh, c'est important, la politesse. Mais pas aussi important que les choses urgentes. Vous pensez sérieusement que les ondes des téléphones portables achetés chez un revendeur au coin d'une rue vont perturber les éléctrocardiogrammes sophistiqués, les appareils à IRM à la pointe du progrès et les poumons d'acier ? Ou peut-être que ça donne la migraine aux internes. Allons, du courage.

Et nous voilà au cœur du problème. Ce n’est pas une question de race, d'éducation ou de je ne sais quoi, c’est une question de couilles et de tête. Façon de parler, évidemment les femmes ne sont pas exclues du raisonnement. Disons « Courage » et « Jugeote ». Ce sont les deux ingrédients essentiels du soufflé réussi, si j'ose m'exprimer ainsi. Ne voyez aucune attaque personnelle dans ce que je vais dire.

Si vous n’avez ni l’un ni l’autre, vous voyez « interdit » quelque part alors vous ne faites rien. C’est triste, mais c’est déjà ça. On pardonne aux idiots lorsqu'ils ne mordent pas. Si vous n’avez que du courage, vous voyez « interdit » et vous le faites quand même, rien que parce que vous pensez que ça vous donne l’air intelligent. C’est mal, ça peut aussi vous donner l’air mort.

Si vous avez jugeote et courage, alors aucun problème : Vous lisez le règlement, le comprenez, vérifiez s’il est con, voyez s’il s’applique à vous, si vous vous ferez prendre, et si ça vaut le coup de le transgresser, ou si vous vous en foutez. Vous avez compris, vous, que « obéir » venait du latin « obere », qui signifie écouter, et non pas faire sans discuter. Entre parenthèses, bravo.

Mais si vous n’avez que de la jugeote et pas de courage du tout, c’est l’horreur. Même si ça n’est pas interdit, vous vous demandez si ça l’est et vous attendez qu’on vous donne la permission. C'est fou d'être timoré à ce point là, mais ça arrive très souvent. Vous allez même demander à quelqu’un au besoin, quand vous arrivez à rassembler assez de courage pour sortir de votre coin sombre…

Et, hélas, bien des gens vous donneront des réponses contradictoires. Le monde est ainsi fait : Entre les jugeoteux qui savent mais s’en foutent (donc qui ne répondent pas), et les courageux qui ne savent pas mais n’ont pas envie que ça se sache (donc qui vous répondent à côté), il y a les malintentionnés sournois qui en profitent pour vous imposer LEUR réponse, l'air serviable ou autoritaire.

Les quêteurs de permission sont des moutons, même ceux capables de prouesses mentales. On a vu beaucoup de scientifiques indécis, et nombre de gens hauts placés s’adonnant au spiritisme : Les divinations (et en général une vision du monde mystique plutôt que pragmatique…) ne sont rien d’autre, psychologiquement, qu’une déresponsabilisation, la quête d’une autorité supérieure.

Cela peut sembler méchant, ce que je dis, et ça l'est (tout n'est pas tout blanc ni tout noir...) mais la prière rentre aussi dans ce genre de travers. C'est la recherche d'un "notre père", d'un PAter, dieu de l'orage, patriarche barbu, ou d'une déesse mère, d'uen figure surhumaine et au dessus de "tout ça". Un Dieu à notre image qui portera le blâme à notre place si ça foire, au moins dans notre tête.

Bien sûr, toute foi n’est pas à condamner, et la vision purement pragmatique du monde conduit inévitablement à une dépression pour qui ne l’enjolive pas de quelques illusions de ci de là, laïques ou autres… Prier n’est pas une faiblesse, surtout si des vies sont en jeu. Par exemple, il est bon que les ecclésiastiques soient à la fois responsables ET aient la foi. Mais ils sont les bergers, pas les brebis.

A propos de brebis… La Torah dit « Tu ne mangeras pas le veau dans le lait de sa mère ». Devez-vous demander la permission à votre rabbin pour utiliser des couverts qui ont servi pour la viande afin de couper le fromage ?  Utiliser des couverts jetables ? Devez-vous seulement manger le fromage dans le même repas, ou attendre trois heures pour que les aliments ne se rencontrent pas dans l’estomac ?

Devez-vous enterrer le couteau dans un endroit secret pendant sept jours pour que la terre prenne les odeurs ? Auriez-vous dû vérifier l’arbre généalogique de la vache qui a été mangée et de celle qui a produit le lait ayant servi à faire ce fromage ? Est-ce que ça marche si c’est du chèvre ? Ne riez pas, certains se posent la question ! La vraie question : Qu’est-ce que votre rabbin en a à foutre ?

Ma réponse personnelle : mangez comme vous voulez, et cassez-vous de ce repaire de cons intégristes… Si on va en enfer pour un demi cabécou et une tranche de jambon, le paradis doit être le séjour très aéré de cinq ou six vieux chiants en train d’arroser les plantes ou de jouer au bingo toute la (sainte et éternelle) journée. pour ce qui est de votre réponse, cherchez vous-même. Bref, continuons.

A trop demander la permission, votre vie devient vite d’une lâcheté Brechtienne, voire même un cauchemar Kafkaïen. Songez que vous n’osez pas demander la permission à vos parents, par exemple, de pouvoir faire ce que vous aimez dans la vie plutôt que ce qu’ils ont prévu pour vous (c'est un cas très répandu)... Et que vous n’avez pas le courage de le faire quand même s’ils refusent...

Encore pire, vous n’avez pas le courage de leur annoncer une prétendue déviance morale (homosexualité, mariage hors classe ou couleur, communisme, conversion à une religion quelconque, piercings et tatouages, volonté de devenir artiste, grand amour… si, si, ne riez pas, il y en a encore qui déshéritent leurs enfants pour ça), et ça vous ronge. Et moins vous en dites, plus ça vous ronge...

Donc vous en dites encore moins, et ça vous ronge encore plus… Cercle vicieux, malsain, chienlit psychologique qui conduit aux pires excès. Comme les femmes battues qui supportent l'insupportable. Et le cas est plus courant qu'on se l'imagine : il n'y a qu'à voir le nombre de pièces de théâtre depuis la nuit des temps sur les mariages de jeunes filles contre leur gré, ou l'amour triomphe enfin.

Evidemment, j’ai tout de suite pris les exemples extrêmes, j’ai fait appel aux sempiternels parents que chacun accuse de tous les vices et de tous les maux de la Terre chez son psychanalyste (à tort ou à raison, l’enfer est pavé de bonnes intentions…), ainsi qu’à la religion, la plus absolutiste des maîtresse… Mais ça parle bien. Imaginez un tel comportement au quotidien. Place à monsieur Carpette :

« Dois-je acheter des asperges ou des courgettes ? Il vaut mieux demander à ma femme. Oh, mais elle est occupée, et puis elle n’aime pas quand je lui demande des trucs… Bon, je n’achète rien, autant lui demander la permission pour un truc qui vaut le coup, comme la viande. Oui, mais il faut un légume. J’achète les deux ? Asperges, courgettes, rien, les deux ? Ou bien des carottes ? » Etc. Ad nauseam.

Heureusement, cela va rarement jusque là, le manque d'initiative. Quoique, il y a vraiment des gens dont la mollesse écoeure. J'en ai croisé lorsque j'étais en faculté, et même avant. Des victimes perpétuelles, des gens dont on se dit que "c'est bien malheureux tout de même"... Ce sont ces gens que les cartomanciennes, les mendiants et les diseuses de bonne aventure repèrent vite et harcèlent.

Alors que quand vous dites non, quand vous prenez cette habitude tôt, que vous acquérez de l'assurance, sans même être impoli ou avoir une sale tête peu engageante, on ne vous embête plus. C'est une façon de s'affirmer. Et cela marche beaucoup mieux que le style "on ne me remarque pas, je suis invisible", adopté traditionnellement par les timides, donc les moins discrets et les plus maladroits.

Non, vraiment, il faut cesser de demander la permission, sauf par politesse. Ou alors il faut la demander quand on est certain de l'avoir, uniquement. Dans les autres circonstances, peser le pour et le contre avant d'agir, et si le jeu en vaut la chandelle, prendre de force la permission. Demander tout le temps la permission, c’est une sale manie. Quand on est assez grand, on se la donne tout seul.

Il faut la prendre, avant qu’on se permette de vous la voler. Voilà ce à quoi moi j'arrive en réfléchissant sur l'autorité que certains se donnent au nom du surnaturel, de la morale, ou d'autre chose. Et vous voyez, c’est marrant quand même… je suis rarement subversif dans mon Blog, mais là, je viens de remarquer que ce que je viens juste de dire marche aussi bien pour « permission » que pour « Liberté ».

Majuscule, bien sûr. Un air connu, mais qu'il est bon de répéter.

Air_connu

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