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Côté Beurre
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17 décembre 2009

Let me give you a little tongue...

Mon amour pour les mots ne s’est jamais démenti, et surtout pas dans ce billet du 19 juin 2006. J’aime mon langage, les petits et les grands mots, les mots grossiers comme les mots prudes… Et qui aime bien châtie bien.

Je suis tout content d'avoir eu un beau livre pour mon anniversaire. Oui, ça fait très niais, quand on le dit comme ça... Mais je retombe en enfance : imaginez un peu, on vient de m'offrir un dictionnaire. J'adore ça ! J'en manquais justement. Le dictionnaire est un outil indispensable à chacun, et il est bon de le renouveler environ tous les dix ans en moyenne... Certains le gardent toute une vie, les écrivains et professeurs changent souvent.

Celui là est très bien. C'est le nouveau Littré, référence absolue de la langue française. Absolument imbattable sur l'étymologie, l'origine des mots, bref, la linguistique. Par contre ce n'est pas du tout un dictionnaire technique ni illustré, et il fait uniquement les mots communs... Ne lui demandez pas de définitions plus explicites et plus complètes que le style "Merisier : Cerisier sauvage. Bois dont on fait des meubles."

Il a tout de même une section annexe particulièrement instructive sur les néologismes. On peut constater que bien des barbarismes (courants ou non) y ont leur place, certains très usités ("Maronnasse"), très spécialisés ("Hard-core gamer"), et d'autres que l'on croirait déjà entrés dans le dictionnaire ("scénaristique"). On y trouve aussi quelques drôleries comme "Dieudonnerie" et "Raffarinade"...

Mais au delà de cette innocente nomenclature mutante se trouve toujours le spectre du Journalois (oui, un autre néologisme issu de cet ouvrage précieux). Il s'agit du parler journalistique, cette langue sensément efficace et simple qui, pour mieux "convoyer du sens", rend exsangue et sèche la belle langue qu'est la nôtre. Par bien des côtés, celle-ci rappelle la Novlangue (comme le fait remarquer l'exemple du Littré, d'ailleurs).

Rappelons ici ce qu'est la Novlangue, Newspeak en anglais. C'est un idiome inventé par George Orwell dans l'immortel 1984. Il en fait la langue officielle de son état totalitaire, une langue rapide dont toutes les nuances (et particulièrement celles qui sont subversives, pour en éliminer jusqu'au concept !) ont été élaguées avec l'ablation de mots jugés superflus, la simplification de la grammaire, bref, une agglutination à l'extrême.

Par exemple, pourquoi dire "mauvais" alors qu'on a déjà le mot "bon", et qu'il suffit de dire "inbon" ? Pourquoi dire "poux" et "canaux" alors qu'on a "pous" et "canals" ? On le voit, cette langue se rapproche du politiquement correct, dans le sens ou l'entendait Pierre Desproges : un aveugle est un non-voyant, un sourd un malentendant... On résout un problème cosmétique en appelant un chat un chien, en niant la réalité.

D'ailleurs, on entend régulièrement certains, pour rire, redire les mots courants de cette langue, parfois sans même avoir lu le livre : "C'est doubleplusbon" plutôt que "c'est meilleur". Il existe quantité de langages crées de cette façon. Le Japonais en fait partie, d'une certaine manière, de même que l'Espéranto (qui se veut un langage universel, dont les concepts et la grammaire sont modulaires et « faciles » d’un certain point de vue)...

Mais je m'égare. Je vous parlais de mots bien réels utilisés en dépit du bon sens, des horreurs employées pour rien à cause d'une méconnaissance du vocabulaire français. Pensez-vous, des mots qui sonnent faux, lourds et peu gracieux, lâchés couramment parce que certains abrutis ne connaissent pas le mot (pourtant usuel) qui se rapporte au concept qu'ils évoquent... Comme des pets ponctuant une logorrhée.

On les entend partout : Contraventionnaliser plutôt que verbaliser, Masculinisme plutôt que machisme, Quinzomadaire plutôt que bihebdomadaire, Rectilignité plutôt que droiture... N'importequoitesque au lieu de farfelu ! Ce sont de vraies ordures verbales, pas de ces mots qui auront l'espoir de passer dans la langue, tels méandreux (au lieu de sinueux), démoniser (pour diaboliser), ou à la limite hommager (écrire un hommage)...

Ces mots qui réinventent l'eau chaude m'agacent profondément. Si beaucoup de néologismes sont justifiés, plus encore sont l'expression d'un concept déjà parfaitement défini, comme cister (et cisteur, cistage...), c'est à dire s'adonner à la chasse aux objets sans valeur à l'aide d'énigmes, autrement dit le bon vieux cache-tampon, en version "adultes régressifs friqués ayant du temps à perdre". Pareil avec les anglicismes.

Dieu sait que je ne suis pas pour cette pantalonnade qu'a été la loi Toubon, et je suis pour l'évolution de la langue (Pantalonnade aussi a été un néologisme, à une époque), mais quand il existe un mot français parfaitement élégant et adapté, doit-on vraiment adopter la version microsoftienne ? Doit-on, même si l'on apprend l'anglais ou quelque autre lingua franca, abandonner pour autant des mots tout à fait valables ?

Que dire du mot forwarder, totalement synonyme de réexpédier ou transmettre ? De Gentryfication, pâle copie d'embourgeoisement ? D'un objet must-have, en fait indispensable ? Du move qui n'est en définitive qu'un mouvement ? D'un testing qui n'est autre qu'une expérience ou un test ? D'un slide-show qui starte et remplace impunément un diaporama qui commence ou bien débute ?

Mais je me tais, on va me prendre pour une vieille andouille faisant l'apologie inutile d'une langue française surannée que plus personne ne parle, pas même les français, et que le monde a largement abandonné au profit d'un idiome plus simple et plus universel comme l'anglais... Je ne vais même pas vous parler du langage SMS, cette ignominie cause d'une plus forte recrudescence des fautes, et pas uniquement chez les jeunes.

Il n'y a plus qu'une chose à dire : Choisissez vos mots avec soin…

Littr__de_1863

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Commentaires
N
l'avantage du fulchibar, c'est qu'on y comprend ce qu'on veut.
E
Moi, quand je vois un néo-même du genre Fulchibar, je ne cherche même pas à comprendre. Comme souvent avec Nikolavitch...<br /> <br /> C'est ça qui est bon.
N
tiens, salut manti ! tu as oublié de préciser que c'est ta haine de la "quadrilogie" qui a précipité la création du monstre ultime en la matière : j'ai nommé notre cher fulchibar !
M
Pas d'accord pour n'importequoitesque, qui me semble de construction volontairement monstrueuse justement pour appuyer le sens, qui outrepasse celui de farfelu. Pour gentryfication au lieu d'embourgeoisement, c'est classique: l'anglais fait chic, surtout pour ceux qui le parlent mal, et laisse choir un voile pudique sur un terme trop compréhensible et donc offensant pour ceux qu'il vise: embourgeoisement, on comprend tout de suite. Gentryfication, c'est tellement plus flou et élégant.<br /> <br /> Et puis, y a les néologismes immondes: ma préférence de haine actuelle va au glaireux "quadrilogie", qui se développe comme un prurit parce qu'un publicitaire était inculte et que son inculture a séduit par sa nouveauté un quarteron de suiveurs.<br /> <br /> C'est d'ailleurs le trait le plus pénible du journalois, cette façon de répandre les fautes, les bourdes et les cuirs qui semblent soudain apporter un coup de jeune à la langue. Séduit par l'éclat du nouveau, le journaliste analphabète parle donc avec délectation d'une testicule ou d'une tentacule, de la gente féminine, annonce qu'un politique bat la campagne au lieu de dire qu'il fait campagne (il n'est pas impossible que le type batte en effet la campagne, mais je ne pense pas que c'était vraiment ce que le colporteur de nouvelles voulait exprimer)... Et j'en passe et des plus spectaculaires.<br /> <br /> Parfois, j'ai l'impression qu'il y a un concours, en coulisses.
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