Grotte de niais !
Je regarde de plus en plus le journal de vingt heures. Pas pour les informations (De vraies infos sur TF1 ? Drôle d’idée !) mais pour le très sexy Harry Roselmack. Sa voix profonde et son teint délicat de soufflé chocolat-cerise font passer les sujets creux et sans le moindre intérêt pour un hommage brûlant au Marquis de Sade… Et puis c’est toujours intéressant de voir les bobards que l’on veut faire avaler au bon peuple.
L’autre soir, il y avait un « reportage » complètement idiot sur Lourdes… Je mets reportage entre guillemets parce qu’on est loin du journalisme d’investigation : le contenu est tellement minimal que la moindre brochure touristique d’une page peut vous en apprendre d’avantage. Mais là, il y avait des gamins, et on nous a montré un tout petit bout de l’intérieur de la grotte.
Je rappelle aux gens qui auraient vécu dans une grotte toute leur vie (enfin, une autre grotte) que Lourdes est une caverne naturelle censément miraculeuse où la Sainte Vierge serait apparue à une pouffiasse aujourd’hui canonisée. La grotte contient une source dispensant une eau attestée miraculeuse par le Vatican. Bien sûr, c’est surtout une source… de merchandising pour la ville.
Quand je pense que Benoît XVI a dernièrement vomi une homélie contre le « dragon rouge » du matérialisme…
Il fut un temps ou nul n’aurait pu pénétrer le sanctuaire avec une caméra ou un appareil photo, par respect pour le lieu saint. Une interdiction qui date d’une époque où les caméras étaient bien plus encombrantes et faisaient beaucoup plus de bruit… Pensent-ils encore que la photographie capture l’âme des gens et la magie des miracles ? Allez savoir. Les curés sont par définition superstitieux.
Les réalisateurs (je n’ose dire « journalistes ») ont choisi, plutôt que de montrer les myriades de mini-vierges qui brillent dans le noir, les figurines de toutes les tailles de Sainte Bernadette, les images, les fioles d’eau bénite, les missels, les hosties, les croix et tout le capharnaüm (à quand les hosties au goût Curry et les préservatifs de la Vierge, pour une « Y m’a culé conception » ?), de filmer des gosses.
Les enfants sortaient de la séance du seul film jamais projeté dans la Salle Bernadette, le cinéma de la ville : l’histoire des apparitions de Lourdes. Encadré de loin par les curetons au crâne rasé et les nonnes de Sainte Adolphine la Concentrationnaire, un garçon précise à la télé que c’est « plus réaliste que Harry Potter et les Pirates des Caraïbes ».
A mon avis, il n’a pas lu les passages sur Mathusalem ou les plaies d’Egypte, dans la Bible…
C’est sûr, il y a moins d’effets spéciaux ratés à l’ordinateur. D’un côté il y a une guérison et quelques apparitions, et de l’autre il y a des voitures volantes et des araignées géantes… Mais le problème c’est qu’on cherche à vous persuader que les miracles sont vrais ! Dans Harry Potter, jamais. L’enfançon avait quand même l’air dubitatif, ce qui laisse présumer qu’il n’est pas totalement débile.
Il a dû voir, lui aussi, que les formules magiques de Harry Potter marchaient autant que les Notre Père… Par contre, il y avait une petite fayotte à côté, toujours dans le même reportage, qui était aussi béate qu’une ménagère de moins de cinquante ans en train de sentir le nouveau Soupline. L’air limite droguée, elle parlait de ce film comme d’une histoire « merveilleuse ».
Mais quel enfant de huit ans parle comme ça ? Réponse : ceux qui ont appris la propagande. Je pense qu’il faut tout de même respecter l’Eglise Catholique Romaine (et toutes les églises à ce compte là) pour la quantité de bobards qu’ils arrivent à faire ingurgiter à un nombre incalculable de gens, malgré les crises de vocations et les scandales de plus en plus nombreux.
Vous savez, les viols dans les pensionnats et les presbytères, et les malversations financières…
Niveau bobard, la religion, c’est extraordinaire, avouez-le ! Mais revenons à Lourdes. Je crois qu’aujourd’hui la grotte est entretenue, l’eau est filtrée et nettoyée, mais tout de même, des milliers de malades passent là-dedans tous les jours et touchent les mêmes rochers moites, les mêmes parois suintantes… Celles que les dévots osent palper avec extase.
On ne parle jamais des morts de la grotte de Lourdes, parce qu’on n’impute à l’eau miraculeuse que les guérisons et jamais les morts. Les non miraculés de Lourdes sont nombreux, bien plus nombreux que les autres… Ils meurent en général de leur maladie, puisqu’elle est souvent très grave, avant de pouvoir décéder des infections forcément contractées dans ces grouillants séjours.
Mais une eau sainte est censée être mieux que propre, quand bien même les faits (même pas les faits que l’on dit scientifiques, hein, les faits que n’importe quel crétin peut constater !) montrent que c’est tout sauf sanitaire. Cela me rappelle Zola, auteur dont le réalisme n’est plus à vanter, et sa description extrêmement criante des « baignoires » de la grotte de Lourdes en 1896 :
Il s’y rencontrait de tout, des filets de sang, des débris de peau, des croûtes, des morceaux de charpie et de bandage, un affreux consommé de tous les maux, de toutes les plaies, de toutes les pourritures. Il semblait que ce fut une véritable culture de germes empoisonneurs, une essence des contagions les plus redoutables, et le miracle devait être que l’on ressortît vivant de cette boue humaine.
Je crois que tout est dit… Enfin, jusqu’à la prochaine fois.