Millau que rien

Millau est une petite ville au creux d’une magnifique vallée, où le soleil, jouant à cache-cache avec les cumulo-nimbus, éclaire tantôt les douces hauteurs champêtres, tantôt les hideux kilomètres autoroutes à péage et le viaduc tout neuf. Vous en avez peut-être entendu parler, vous y êtes peut-être passé, et vous y passerez sans doute si vous allez dans le Midi.

Le charme de Millau est tout aussi touristique que relatif. Autoproclamée capitale du cuir à cause de la myriade d’artisans qui le travaillaient jadis, les nombreuses boutiques fortes de cette réputation tentent de vous y vendre chaussures, accessoires et blousons (Kickers, Oakwood, Chevignon…) aux mêmes prix qu’à Paris. Il y a peu de modèles originaux, et il n’y a pas toutes les tailles.

Les Millevois sont sans doute les seuls à s’enorgueillir d’une micro-cathédrale, ainsi que d’un beffroi de poche refait au XVIIIe siècle. Il reste étonnamment peu de choses de la période latinisante à laquelle la ville s’appelait Amiliavum (le huitième siècle), mais le musée de Millau exhibe fièrement quelques vieux pots et quelques vieilles peaux.

La ville vous sera peut-être plus familière (encore que…) si je vous dit que c’est là que, jadis, José Bové, candidat extrêmement malheureux à la dernière élection présidentielle, faux paysan qui ne sait pas conduire un tracteur et repris de justice, a pris un McDonald. Pas un hamburger, hein, je parle du restaurant. Vous savez, toutes ces histoires de démontage de fast food, d’occupation, et de fumier déposé devant…

Quoi qu’il en soit, la plupart des gens ne s’attardent pas à Millau, même si on tente en vain de les retenir. La masse des touristes ne fait que passer. Voyez-vous, Millau a la chance d’avoir des environs charmants, propices aux promenades et aux rêveries. Mais ça donnerait plutôt, justement, envie de contourner cette ville… Comment dire ? Assez minable.

Mais trop de gens ont la malchance de devoir y passer. C’est géographiquement l’endroit idéal pour une étape, et le nouveau viaduc est une publicité formidable. Voilà une bonne combine : Située sur l’autoroute des vacances de tout le monde, c’est un barycentre à la fois lourd et vide au milieu de tout… Lyon, Clermont-Ferrand, Nice, Bordeaux, Perpignan, Avignon, les Landes, les Puys, l’Italie, l’Espagne, Paris, Marseille…

Les habitants le savent. Pour tenter de tirer profit de cet afflux qui rend les rues bruyantes comme à Paris, de tous ces touristes suant l’argent qui ne s’arrêtent que pour une nuit, réservant leurs liquidités pour leur destination, ils ont ouvert des hôtels et des restaurants. Mais comme ils savent qu’il n’y a rien qu’eux sur ce nœud routier et que ces gens sont trop fatigués pour aller ailleurs, ils ne se fatiguent guère.

Le meilleur hôtel de la ville est l’hôtel Mercure, ex-aequo avec un autre plus cher et plus ancien, dans un hôtel particulier. D’ailleurs l’hôtel Mercure est aussi un hôtel Ibis et un hôtel Accor : vous pouvez réserver une chambre dans n’importe lequel, c’est le même bâtiment, le même service, les mêmes chambres, le même restaurant et le même personnel.

Quant aux restaurants de la ville, ils proposent tous un menu style brasserie, similaire, alliant l’aligot fade et mal préparé à de la viande grasse et nerveuse, le tout à des prix touristiques (15 euros la salade, 10 la pizza surgelée). Exorbitant, surtout qu’il suffit de faire 50km dans n’importe quelle direction pour trouver dix fois meilleur et beaucoup moins cher. Deux exceptions, la crêperie bretonne et la brasserie la plus chère de la ville.

En plus le viaduc est moche, payant et dispendieux, prouesse technique ou pas, alors que l’on peut passer à côté. Voilà encore une ville minable qui pète plus haut que son cul, et qui pourtant a une histoire… Des villes de ce style, j’en ai connu plusieurs, dont Belfort (qui m’avait valu le commentaire d’un Belfortain, mécontent du fait que j’aie dit la vérité, à savoir que sa ville est morte et chiante), et étonnamment Toulouse… Mais passons.

Prévenez les Aoûtiens, qu’ils sachent.

Comments

[Creek]

Je ne sais si les aoutiens seront prevenus, mais nous, on le serra.

De toute façon, faut avoir une drole d'idée pour s'appeller presque comme le chien de Tintin...