C'est arrivé près de chez-vous.

31 mars 2007

C'est arrivé près de chez-vous.

Depuis environ un an et demi, deux ans, les commentaires fusent au lycée.

Le bougre.

Evidemment, s’il s’habille avec des jeans brodés et des foulards… En rose en plus…

Il en est, clair et net.

Il se teint les cheveux de plein de couleurs… Pas comme un punk, hein, non. Comme une fille.

De la jaquette, c’est sûr.

Et vous avez vu ça ? Il met du fond de teint. Tiens, et il est même mieux maquillé que la plupart des filles…

Une grande folle, ce mec.

Qu’est-ce que c’est que ça ? Une cravate ? A son âge ? Il se paie ça comment ? Tu sais, toi ?

Un inverti, presque un travelo.

Avec des santiags coordonnées à la veste et un pantalon blanc… Je crois qu’il bosse a côté. Quel con !

Une vraie tante.

Aujourd’hui, il a un sac Lancel. Si ça se trouve il tapine… Lui demander ? Non, merde, moi j’lui cause pas.

Une tapiole.

Un stage en poissonerie ? Ouais, il dit ça parce qu'il fait la morue, plutôt ! Qu'il soit comme ça chez-lui, mais pas devant moi.

Tapette.

Quelqu’un qui se fagote comme ça, c’est qu’il a envie de se faire insulter, non ? Moi j'dis, ça devrait être interdit.

Tantouze.

Allez, c’est normal, les insultes dans une cour de récré… Non ? C’est pas comme s'il avait rien fait pour les mériter.

Follasse.

Il a rien fait ? Mais si, putain, regarde, pourquoi il continue à s’habiller comme ça… On lui a dit pourtant !

Tarlouze.

Il a l’air content de lui en plus ! Il est là, il discute avec des filles, l’air de rien… Ridicule !

Pédale.

Il a pas honte ?! Si ça continue il va lui arriver des bricoles, moi je vous le dis.

P’tit pédo…

Putain, il étale son vice. La prochaine fois on va lui montrer…

Sale pédé.

…

L’autre jour, en plein cours d’anglais, un élève de terminale a traité son camarade de Sale Gay. L’enseignante, après avoir réclamé le silence, lui a demandé ce qu’il avait dit. Sale Gay. Incrédule, elle lui a demandé de répéter une fois de plus. Sale Gay.

Le lycée a pris des sanctions, bien sûr, mais les deux élèves sont majeurs… Et ce n’est pas un renvoi de trois jours qui va calmer le jeu. C’est le genre de petit con qui grave des croix gammées sur les tables, écoute la Légion 88 et arbore le drapeau nazi en fond d’écran sur son téléphone portable.

Le genre à considérer comme suicidaire pour un mec de s’habiller de façon un peu trop voyante, un peu trop moulante, de rouler un peu trop des hanches… Comme certains pensent que si une fille ne porte pas le voile, c’est une pute, et c’est de sa faute si elle se fait violer.

Il veut entrer dans l'armée, paraît-il. Pour les armes. Pour l'uniforme. Pour les "vrais" hommes. Pour casser du pédé, sans doute. Il va être déçu, c'est lui qu'ils vont casser.

Le lendemain, j’ai donc accompagné mon ami au commissariat de police. Il ne savait pas comment s'y prendre, qui contacter. C’était la deuxième fois qu’il y entrait de sa vie : une histoire de portefeuille volé. La jolie fliquette blonde qui a enregistré la plainte a souri, et, non sans ironie, a dit "Ah, un comme je les aime !" en entendant la description du méchant de l’histoire.

Elle nous a parlé de ses enfants. Des bagarres au lycée. Parfois c’est un mot ou un geste malheureux. Innocent. Parfois non. Elle nous a parlé de ses collègues de « la boite », comme ils disent. De ceux qui avaient laissé couler, qui n’avaient rien dit. Ceux qui s’étaient retrouvés avec des casiers tagués, des yeux au beurre noir.

"Surtout, vous nous appelez TOUT DE SUITE s'il dit ou fait quoi que ce soit d'autre, injures, menaces, agression... Et vous faites gaffe a vous. Ceux-là, quand ils sont en colère..." A-t-elle dit à mon ami. "Il ne faut rien laisser passer, sinon..."

Si on laisse passer ça, ils continuent. Si on laisse passer ça, on leur ouvre la porte.

Si on les laisse dire que c’est suicidaire de porter ou non un vêtement, si on les laisse dire que Gay est un terme péjoratif, alors… ça le deviendra.

Tarif d'une "Simple" injure publique, circonstance aggravante du caractère homophobe :
Six mois d’emprisonnement et 22500 euros d’amende.