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Côté Beurre
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11 mai 2010

Pour en finir avec Dieu, part four...

Dans l'épisode précédent, Julia Sweeney est partie de l'église comme en claquant la porte, avec le sentiment de s'être faite claquer la porte au nez... Elle a découvert que la foi catholique ne lui convenait absolument pas, et que le dieu qu'elle cherchait tant ne saurait s'y trouver. Et maintenant ?

Je suis rentrée chez-moi, et tout était étrangement calme... (...)

[Et je me suis dit que, finalement] je croyais en tout. Au bout du compte, toutes les religions vénèrent le même dieu, elles le font juste de manières différentes... J'ai commencé à dériver vers l'Est, question spiritualité. J'ai suivi un cours de méditation, et j'ai commencé à méditer assez régulièrement. C'était une activité intéressante et ça aiguisait vraiment ma concentration...

J'ai acheté tous les "Que sais-je ?" sur la spiritualité et je les ai tous lus : le Tao-te-king, la Baghavad-Gita, le livre des morts tibétain, Djalaleddine Roumi le soufi, l'essentiel de la Kabbale, le Voyage du Pélerin... J'étais embarquée dans une quête spirituelle. (...) Et puis j'ai pensé... Peut-être étais-je bouddhiste ? C'était inévitable : Je vis en Californie, c'est la maison de campagne du bouddhisme.

Le bouddhisme m'enthousiasmait tellement que j'ai décidé  de passer du temps à voyager en orient, dans les pays à dominante bouddhiste, et visiter les lieux où tout ça a commencé... Et l'argent que j'avais gagné en faisant deux films me l'a permis. J'ai voyagé pendant des mois... Je suis allée en Chine faire de la randonnée le long du Yang Tsé, puis au Tibet ou je suis allé de Lhassa à Katmandou par la terre...

Et j'ai passé pas mal de temps à faire de la randonnée au Bhoutan, cette petite monarchie bouddhiste perchée sur l'Himalaya, prise ne sandwich entre l'Inde et la Chine. A mesure que je grimpais de plus en plus haut vers un monastère, je pouvais entendre les moines qui récitaient et chantaient dans le lointain... Les drapeaux de prières claquer au vent... Je voyais les montagnes géantes en surplomb...

C'était si exotique que je me serais crue dans un autre monde ! Il se trouve que c'était aussi mon anniversaire de quarante ans (wouaouh, quarante !) et j'avais toujours pensé qu'à cet âge, je serais mariée avec des enfants, des grands, même... J'entendais presque Dieu se marrer dans le vent, vu comment les choses avaient tourné pour moi !

Devant moi, sur la piste, il y avait ce vieil homme qui transportait un moulin à prière et cet espèce de chapelet, un peu comme celui des catholiques, avec le même nombre de grains... Je crois que ça s'appelle un Mala... Et j'ai pensé qu'il avait presque l'air de ma grand-mère allant à l'église ! Je me suis rapproché du monastère, mais, au fur et à mesure, je pouvais voir combien certains moines étaient jeunes...

La tradition veut, dans des pays comme le Bhoutan et le Tibet, que le second fils entre systématiquement au monastère. Certains n'avaient pas plus de sept ans... L'âge de raison, mais pas vraiment l'âge ou qui que ce soit peut arriver à une décision bien informée sur le but de sa vie ! Ils n'auraient qu'une éducation religieuse, ils ne connaîtraient jamais l'amour (enfin, l'amour hétérosexuel, a priori), avec ses joies et ses peines... Ils n'auraient pas de famille a eux...

Plutôt que de me sentir inspirée par eux, je voulais les libérer ! Et en redescendant, je me suis dit que, peut-être, j'avais tout faux... Peut-être qu'on ne vénère pas le même dieu. Après tout, les dieux du bouddhisme sont si différents du dieu judéo-chrétien... Par contre, on les vénère bel et bien de la même manière ! On récite des prières, on fait des sacrifices, on porte des vêtements spéciaux, on utilise des objets spéciaux...

Puis, je suis allée en Thaïlande, et j'ai rendu visite à une femme qui prenait soin d'un garçon horriblement difforme, et orphelin. Et j'ai dit "C'est si gentil à vous de prendre soin de ce pauvre enfant !" Et elle a répondu : "Ne le traitez pas de pauvre enfant ! Il doit avoir fait quelque chose de terrible dans une autre vie pour être comme il est à présent !"

Quand je suis rentrée à Los Angeles, il y avait encore pas mal de choses qui m'intriguaient dans le bouddhisme, mais je devais quand même admettre que j'étais moins intéressée... Waouh ! Me suis-je dite une fois encore... Le bouddhisme qu'on nous sert en Californie est complètement édulcoré ! Et je me suis demandé ce que ça voulait dire, au juste, une "illumination"...

Je vivais fort bien avec mon niveau actuel "d'attachement aux valeurs matérielles de ce monde". Pour moi, la vie ne pouvait pas être faite que de souffrance ! En fait, ce que je ressentais de plus en plus, c'était ce sentiment de chance insolente ! J'ai réalisé que je ne recherchais pas seulement la paix intérieure pour pouvoir me sentir heureuse et sereine dans l'existence...

J'essayais de trouver pourquoi j'étais sur Terre, qui était ce fameux Dieu, et, tant que j'y étais, le sens de la vie !

(...)

[Au bout d'un moment, je me suis dit que] peut-être que pour moi, Dieu, c'est la Nature ! la beauté et l'harmonie de notre monde naturel ! Dés que je l'ai dit, j'ai su que c'était ça... J'entendais presque Dieu dire "Bêtasse ! C'était si simple !"... Et j'ai fait les cent pas en disant "Dieu c'est la Nature! Dieu c'est la Nature ! Voilà le moyen de renouer avec Dieu ! Et passant du temps au sein de son chef d'œuvre, la Nature !"

Bon, il faut dire que les catholiques ne mettent pas tant que ça l'accent sur la nature, non plus. C'est presque pornographique pour eux, cette idée de nature. Je ne me souviens pas qu'on se baladait beaucoup quand j'étais petite, pas comme ces étranges petits protestants qui campaient tout le temps (NDT : Le scoutisme est une invention protestante, et il y a peu de scouts catholiques en Amérique).

C'est vrai quoi, la nature est si lumineuse, et elle n'a pas honte d'être luxuriante... On ne sait jamais dans quoi on va s'empêtrer, à force d'aller dans la nature ! J'ai donc décidé de voir si je pouvais avoir une expérience spirituelle en me promenant, ou sur un vélo. Et c'était très sympa. J'ai commencé à remarquer toutes les petites feuilles, et tout ce réseau vivant si complexe et si beau...

J'ai continué à voyager, et, cette fois, je suis allée en Amérique du Sud, en Equateur, et j'ai visité les îles Galapagos. J'ai fait un voyage d'une semaine en bateau avec un naturaliste et huit autres personnes, et, dans la salle commune du navire, il y avait "De l'origine des Espèces", de Charles Darwin.

Et j'ai ri en le voyant, parce que j'ai tout de suite pensé que parmi ceux qui font ce voyage, il y a soit ceux qui l'ont déjà lu (ce genre de choses est la raison pour laquelle on fait ce voyage ), soit ceux qui ne liraient jamais ce genre de bouquin ! Je veux dire, ce serait superbement crétin que quelqu'un vienne ici, voie le livre, et se dise "Tiens, je me demande de quoi ça parle !"... Ici, de tous les lieux sur Terre ! Ridicule !

En quelques secondes, je me suis aperçue que j'étais cette personne superbement crétine.

Bien sûr, j'acceptais la théorie de l'évolution. Je me souviens de Sœur Charentina qui nous l'enseignait en CM2... Comment nous autres catholiques croyons en l'Evolution, pas comme ces incultes de protestants qui pensent que Dieu a tout planté là d'un coup ! "Voici comment c'est arrivé :" Disait-elle. "Dieu a lancé tout le processus pour que les humains puissent évoluer..."

"Puis il y a eu un instant très spécial et prévu d'avance, instant où il y a eu un tout premier homme et une toute première femme – Parce que, réfléchissez, il a bien dû y avoir un moment où il y a eu un premier homme et une première femme –  et ce furent Adam et Eve, et c'est à ce moment que Dieu insuffla notre âme... Et après, tout s'est produit exactement comme il est dit dans la Bible !"

Et puis elle nous a encouragés à ne pas trop penser à cette histoire d'évolution... Parce qu'elle venait de nous l'expliquer ! N'est-ce pas ?

Quoi qu'il en soit, je ne me sentais pas menacée par la notion d'évolution... Je n'y comprenais pas grand chose, à part que, au fil du temps, les animaux changent, ou quelque chose comme ça... Je pensais que "De l'origine des Espèces" serait un livre beaucoup trop scientifique pour quelqu'un comme moi. Personnellement, j'avais évité les sciences à tout prix à l'école...

J'avais même ce préjugé, cette idée qu'être bon en sciences était un signe que l'on n'avait pas la complexité d'esprit, le tempérament subtil qu'il faut pour "faire ses humanités"... La science, c'était pour ceux qui ne pouvaient pas gérer les ambigüités, qui avaient besoin de réponses "oui" ou "non", "noir" ou "blanc"... Peut-être même étaient-ce des gens détachés de leurs émotions et qui n'avaient rien d'autre à penser !

A ma grande surprise, "De l'origine des Espèces" était en fait très facile à lire, et réellement passionnant. Charles Darwin décrivait l'évolution comme jamais Sœur Charentine ne l'avait fait ! C'était beaucoup plus effrayant et hasardeux, vu comme ça...

Le lendemain, nous avons visité une île sur laquelle les fous à pieds bleus s'occupaient de leurs bébés. Les fous a pieds bleus sont quasiment les oiseaux les plus mignons au monde, mignons presque jusqu'à l'absurde... Ils ont une espèce de plumage blanc brillant qui fait des épis partout, et de grands becs et pieds bleus, et ces énormes yeux plaintifs...

D'habitude, les fous à pieds bleus n'ont qu'un seul petit par gestation, mais, de temps en temps, il peut y en avoir deux. Dans ce cas, habituellement, le plus fort des deux bébés picore la cervelle du plus faible... Et donc, on regardait tous ces adorables petits poussins à pieds bleus, et on est tombés sur l'un d'entre eux qui picorait la cervelle de son frère plus faible !

Et le naturaliste nous disait que c'était la routine, et qu'à présent la frégate (NDT : Oiseau de la famille des fregatidae, à ne pas confondre avec le navire) allait emporter le cadavre pour nourrir sa propre famille, et que c'était comme ça que ça se passait... Et j'ai regardé ce pauvre poussin fou à pieds bleus dont le destin était scellé, avec son cerveau qui pendouillait de sa tête... Et on s'est regardés dans les yeux un instant...

Il m'a regardé comme s'il voulait dire "Eh ouais, c'est la vie... Je suis le poussin faible !"

Oh. Mon. Dieu.

Dieu n'est pas la nature ! Dieu n'est PAS la nature ! La nature, c'est les inondations et la famine et les tremblements de terre et les virus et les petits bébés fous à pieds bleus qui se font picorer la tête par leur frère plus fort ! Dieu... Je veux dire, le Dieu que je connais, le Dieu d'amour, de compassion... On ne trouve pas ce genre de choses dans la nature !

Je suis revenu au bateau, et, alors que les nuages s'amoncelaient en altitude, j'ai décidé que j'allais rester en position fœtale pendant quelques temps, le temps de réfléchir sur cette idée de nature... Alors comme ça, Dieu et la nature font deux. C'est évident, en un sens... Dieu est une force morale, et la nature est intrinsèquement amorale. La nature se fiche de moi, se fiche de qui que ce soit en particulier.

La nature peut être terrifiante... Mince ! Pourquoi mettent-ils des mots comme "naturel" sur des produits comme le shampoing ? Comme si c'était automatiquement bien ! L'acide sulfurique, c'est naturel, aussi ! J'entendais presque Dieu me dire "Bêtasse !" encore une fois ! Mais alors, Dieu, qui es-tu ? Parce que je n'arrêtais pas de penser "Des lions, des tigres et des panthères ?!" comme dans le magicien d'Oz...

Et quand je marche dans la vallée des ombres de la mort, es-tu vraiment avec moi ?

Pour connaître la suite des aventures de Julia Sweeney, allez écouter son monologue (en anglais sur YouTube) d'un bout à l'autre... Je n'ai fait que traduire ici un long extrait du milieu du spectacle. Je vous rassure tout de suite, ça se finit bien !

Julia_Sweeney_4

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