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Côté Beurre
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15 décembre 2009

Sérial qui leurre...

En ce moment, c’est la mode des psychopathes. C’est vrai quoi… On est passé du film archétypal sur le tueur en série, le Silence des Agneaux, a une pléthore de livres et de films sur Hannibal Lecter… Dans lesquels il joue un rôle certes ignoble, mais sommes toutes héroïque : On trouve toujours une justification à ce qu’il s’en sorte, et puis c’est un génie d’une immense culture… On l’envie presque !

Il y a régulièrement ce genre de choses dans les nombreuses séries sur la police scientifique. Et puis il y a Dexter, la série culte dans laquelle un psychopathe canalise ses pulsions meurtrières pour tuer les « véritables » monstres de la société. Non seulement il tue de manière horrible, mais il récidive froidement, s’arrogeant le rôle de l’enquêteur, du juge et du bourreau, comme au temps de l’inquisition espagnole… Et les gens applaudissent !

Bon, j’adore Dexter, j’aime beaucoup le Silence des Agneaux, Les Experts, et j’ai vu avec plaisir mon content de films de serial-killers (et même de slasher movies, qui parlent de tueurs de masse, et non de tueurs en série)… Mais je ne vais pas pour autant les idolâtrer ou même seulement croire qu’un tel individu, même s’il avait le même penchant justicier qu’un Dexter, serait bénéfique pour la société. D’autant que tout ça n’existe pas.

Enfin, les serial-killers, si. Mais CE genre de serial killer, c’est de la pure fiction : Un ramassis de clichés que le grand public gobe comme l’évangile… Oh, pas mal de films sont assez réalistes sur le mode opératoire des tueurs en série (le Silence des Agneaux, notamment, mais uniquement pour le tueur Buffalo Bill…), mais ça s’arrête là. Et il existe tant de films ou les modes opératoires sont fantaisistes, absurdes, idiots…

Des films comme la série des Saw, Dexter, ou même les multiples aventures du fameux Hannibal Lecter, tout cela induit en erreur, tant quant aux motivations du tueur en série, que sa nature, que son mode opératoire. En fin de compte, peu de gens savent réellement ce qu’est un tueur en série… Et, d’une certaine façon, tant mieux ; mais c’est tout de même agaçant de constater l’ignorance des masses sur un sujet que tous croient connaître.

Moi, j’ai beau ne pas être un expert, je sais que les tueurs en série ne sont monstrueux que par leur humanité, et surtout leur banalité… Ce sont des lâches, qui ne s’en prennent qu’aux plus faibles, par peur, et se trouvent des excuses largement débiles. Ils sont accrocs à un sentiment de domination exacerbée, uniquement parce qu’eux-mêmes sont des minables. Les VRAIS tueurs en série n’ont rien de fascinant, ils sont répugnants.

Qu’est-ce qui les rend donc si attractifs pour le grand public ? C’est que dans les films et les histoires, on les traite bien. Même lorsqu’on parle des tueurs en série qui ont réellement existé, on prend toujours des exceptions mythiques qui enflamment l’imagination, célèbres, comme Jack l’éventreur… Des gens qui semblent suprêmement intelligents, qui tuent pour des raisons mystiques, et se rient des policiers de leur temps.

Déjà, dans la réalité, intelligents, ils ne le sont pas. Le vrai Hannibal Lecter n’existe pas, pas en tant que tel. L’immense majorité des tueurs en série n’est ni plus ni moins qu’aussi bête que la moyenne… Et ceux qui sont plus intelligents ne le sont pas assez pour s’adapter à la société : Ils échouent dans leurs études, ne parviennent pas à garder un boulot, ou doivent se contenter d’un job de merde en dépit de leur intellect.

Oh, ils ont l’air intelligents, tous autant qu’ils sont… On pense qu’il faut être supérieur, en quelque sorte, pour commettre des meurtres sans se faire prendre. C’est exactement ce que pense le tueur en série, et c’est ce qui dissuade la plupart des gens de tenter de commettre un meurtre eux-mêmes. Mais ça n’est pas aussi vrai qu’on le croit. La vérité est que le simple anonymat des grandes villes suffit à couvrir la plupart des traces…

Par exemple, le célèbre Ted Bundy, sadique nécrophile archétype du tueur dominateur, était un loser narcissique et immature, misogyne mais beau parleur, n’ayant jamais réussi ses études de droit. Il se présentait à ses victimes sous son vrai nom, en plein jour. Il s’est fait prendre pour excès de vitesse dans sa coccinelle dorée (hyper discret)… Et il a lui-même autorisé le policier à fouiller son coffre, lequel contenait tout son petit matériel !

Du reste, c’est souvent sur un tel coup de chance qu’on arrête les tueurs en série. Parfois même, on n’était même pas au courant qu’ils opéraient. Récemment, en France, un tueur en série a avoué avoir tué un grand nombre de petites vieilles, en Savoie notamment, et s’est livré à la police… Tout le monde avait pris ça pour des accidents ou des morts de vieillesse ! On enquête moins sur les morts apparemment naturelles en maison de retraite…

On pourrait croire qu’il s’agit d’une exception… Ce n’en est une que parce que le tueur s’est livré. Bien entendu, les policiers font de leur mieux, mais la plupart des enquêtes d’arrêtent PAS les tueurs en série, à moins d’un coup de chance, d’une victime qui s’échappe, ou d’une dénonciation (généralement, ce sont des voisins qui se plaignent de l’odeur des cadavres, ce qui prouve bien que beaucoup de tueurs en série sont peu soigneux…).

Les outils que chacun a vu à la télévision sont certes utiles aux enquêteurs, mais ils ne servent qu’à réduire le champ des possibilités, et ils sont récents… Le « profiling », à supposer qu’il soit utilisé correctement, ne donne qu’une idée générale, et peut se tromper. Une empreinte ADN ne sert que si la personne a déjà été arrêtée et que son empreinte a été saisie. L’analyse de la scène de crime est encore le meilleur outil, mais ne fait pas tout…

Récemment encore, en Allemagne, ce qu’on avait pris pour une affaire de tueur en série n’en était pas une. A cause d’une contamination chez le fabricant, une même empreinte génétique s’était retrouvée sur divers instruments utilisés pour enquêter sur des homicides… La police a cru pendant des années qu’un mystérieux individu se trouvait sur les lieux de ces meurtres et leur échappait sans cesse !

De plus, ces techniques scientifiques prennent du temps (bien plus que dans les séries télévisées à la mode ! Il faut plusieurs mois pour effectuer certains tests…) et consomment une quantité d’argent phénoménale. En plus du matériel, cela requiert une formation spécifique… Il n’y a tout simplement pas assez de gens qualifiés pour enquêter sur tous les crimes de cette façon, surtout dans une grande ville ou il y a plusieurs homicides par jour !

D’ailleurs, le « profiling », parlons-en… Tout cela a des allures de pseudo-science intuitive, quasi médiumnique : Une célèbre profileuse du FBI se met à la place du tueur et tombe juste à tous les coups… S’il est possible de déduire certaines choses du mode opératoire d’un tueur, il faut pour cela des indices en grand nombre, et surtout quelque chose à déduire… Tous n’ont pas la lubie de laisser une carte de visite !

Le grand public a longtemps cru (et croit encore) que tous les tueurs en série sont de jeunes hommes blancs « entre 20 et 40 ans, issus de la classe moyenne »… C’est une idée reçue qui nous vient des premières études du FBI sur le sujet, dans les années 80, aujourd’hui surannées et déformées par les médias. Il est vrai que comme la majorité de la population américaine est blanche, la majorité de leurs tueurs en série est blanche aussi !

Il n’y a pas plus de tueurs en série blancs que noirs… Tout dépend du pays dans lequel vous vous trouvez, en fin de compte. En revanche, statistiquement, il y a plus de chances que ce soient des hommes entre 25 et 27 ans qui deviennent des tueurs sexuels (seuls 8% des tueurs en série sont des femmes, ces tendances se dégageant de nombreuses études psychologiques). Ce qui n’empêche pas d’en voir de tous âges et de tous sexes.

On ne repère donc pas si aisément un tueur en série : Il peut ressembler à n’importe qui. La plupart des tueurs sont arrêtés par hasard, même après avoir fait des dizaines de victimes. Certains (comme le tueur des vieilles dames cité plus haut) sévissent pendant fort longtemps parce que la police n’enquête pas sur les disparitions qu’ils occasionnent (fugueurs, minorités discriminées comme les homosexuels ou les prostituées…).

Il faut souvent attendre la quatrième ou cinquième victime pour que quelqu’un remarque qu’il y a effectivement un motif récurrent (et encore, quand il y en a un…). Et même alors, la police locale a tendance à nier l’évidence, particulièrement si ce ne sont que des marginaux qui disparaissent et que la nouvelle d’un tueur en série risque de déclencher la panique ou de limiter les revenus du tourisme…

On en revient aux manquements de la police… Qui n’en sont pas, en fait. Il serait ridicule de vouloir considérer chaque disparition comme signe d’un tueur en série, même si idéalement il faudrait l’envisager ; mais ceci n’est que conjecture, puisqu’on ne peut matériellement pas faire ce genre de choses : ça couterait trop cher, en hommes, en temps et en matériel, et ce serait inutile dans la plupart des cas.

D’autant qu’il n’y a souvent pas grand-chose qui relie les meurtres entre eux. Contrairement aux idées reçues, la majorité des tueurs en série ne conserve PAS le même mode opératoire, la même arme… Beaucoup improvisent largement. Un tueur peut utiliser un poignard pour un meurtre, et une arme à feu pour un autre, dénuder sa victime pour l’un, arracher les yeux de la suivante, « travailler » sans préoccupation de dates…

D’ailleurs, à propos de dates, le « tueur de la pleine lune », c’est du cinéma. Les tueurs en série suivent leurs pulsions, un point c’est tout… Ils ont besoin de tuer, ils le font quand ils ne peuvent plus résister ou quand quelqu’un brise leur fantasme de toute puissance en les contrariant, c’est complètement irrationnel. Presque aucun ne tue selon les versets de la Bible ou un calendrier précis, une date convenue, etc.

Les tueurs en série n’ont pas non plus d’antre ou de repaire désigné où ils emmènent leurs victimes… Enfin, il y en a, mais ça n’est pas obligatoire. Et même alors, il peut simplement s’agir de la banquette arrière de leur voiture. Il peut même s’agir d’un quartier. Il y a parfois une pièce spécialement aménagée dans leur maison, mais en définitive, le tueur en série tue n’importe où quand il se sent suffisamment… en sécurité !

Les victimes elles-mêmes peuvent paraître extrêmement variées. Les tueurs en série s’en prennent à des victimes faibles, ou qu’ils considèrent comme telles (les femmes à 80% les prostituées, les SDF, les homosexuels, les vieux, les enfants, les gens seuls ou petits…) parce qu’ils peuvent les dominer aisément… Même si un fantasme sexuel ou autre leur fait préférer un type de victime, ça reste large (les femmes noires, par exemple).

Hélas, beaucoup de ces personnes, isolées ou marginales, ne se remarquent pas, mortes ou vives, ou risquent déjà de subir d’autres crimes, ou ont tendance à disparaître seules (femmes seules, prostitués homosexuels, vieillards isolés, fugueurs réels ou supposés, handicapés…), les actes des tueurs en série sont ainsi noyés dans la masse des autres crimes, ou pris pour de simples disparitions, des règlements de comptes, etc.

Il est difficile de relier des meurtres entre eux lorsque les victimes sont de sexe, d’âge, d’apparence, de corpulence, de milieux différents, éloignées dans le temps et l’espace… Le tueur en série ne laisse pas forcément de signature et se fiche parfois même de qui il tue, et même s’il emporte parfois un « trophée », il peut simplement s’agir d’une photo, ou de quelque chose qui en manquera pas sur la scène du crime.

Pour toutes ces raisons, l’intelligence des tueurs en série, souvent largement plus bêtes que les enquêteurs, est assez surestimée dans la fiction comme dans les médias… Ils pensent tout simplement différemment, et pas toujours aussi logiquement qu’un ordinateur ! Et même en face d’un tueur en série, il est difficile de le reconnaître pour ce qu’il est, parce qu’ils sont habitués à dissimuler leurs pulsions pour paraître normaux.

En effet, ce ne sont pas des ogres ni des loups-garous, mais bien des êtres humains psychopathes (et non psychotiques : ils ne courent pas partout en hurlant, ils ne paniquent pas plus que les autres, ils raisonnent… Les idiots hallucinés tuent moins que les « sains d’esprit »). Ils ne se mettent pas en danger, ils savent ce qui est bien ou mal, mais ne culpabilisent pas pour autant, et s’estiment supérieurs aux lois de la société.

Ils savent se dissimuler parce qu’ils ont de l’entraînement… Non qu’il y ait une école pour ça, ou des « maîtres », mais, simplement, on ne devient pas tueur en série du jour au lendemain (comme dans Dexter)… C’est une pulsion innée, des fantasmes violents et morbides, ressassés pendant des années, qui obnubilent chaque jour un peu plus leur auteur. Ces fantasmes, même s’il y a des similarités, sont aussi variés que les tueurs.

Même si des abus répétés durant l’enfance peuvent jouer un rôle dans la construction d’un tueur en série, il ne faut jamais oublier que la plupart des enfants battus deviennent tout de même des adultes responsables, et rarement des tueurs en série ! Le tueur en série ne cède pas ne culpabilise pas, n’est pas un martyr ni un héros, c’est un monstre qui décide, un jour, consciemment et froidement, de tuer pour son plaisir, sexuel ou autre.

Mais il est bien entendu que, sachant cela, on peut tout à fait apprécier les belles histoires sur les tueurs sanglants dont on nous abreuve… Tout comme on peut aimer un bon antihéros, ou lire les contes de Grimm, qui regorgent d’être amoraux, de psychopathes et de prédateurs sexuels de tous poils. Seulement, si vous regardez ça parce que vous pensez que ça fait vrai, c’est raté.

C’est aussi réaliste que le petit chaperon rouge. Et même moins, par certains côtés…

Spatter

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Commentaires
E
J'imagine que ces gens n'utiliseraient pas à dessein quelque chose de complètement inefficace (quoique ? Il y en a qui ont effectivement, bien qu'épisodiquement, utilisé la voyance et autres capacités extrasensorielles supposées dans des affaires criminelles... Sans résultat, évidemment, mais il y en a toujours un pour retenter l'expérience de temps à autres...)<br /> <br /> Je ne doute pas de l'efficacité des vrais profileurs, malgré le fait qu'ils ne donnent de toutes manières que des pistes. Je cherche seulement à montrer du doigt les idées reçues que l'on s'en fait, et que l'on se fait de leur efficacité. Les profileurs ne remplacent jamais une enquête avec indices et preuves, ils peuvent seulement aider (et c'est ce qu'ils font souvent très bien).
N
alors, la division des sciences du comportement, au FBI, c'est plus sérieux qu'il n'y parait. et moins "voyant" que les séries tv aimeraient à le faire croire. Il y a certes une part d'intuition, mais ça repose aussi sur une énorme base de données statistique d'éléments d'enquêtes précédentes, et une classification mise au point par Robert Ressler, le fondateur de la discipline, dont l'ouvrage "chasseur de tueurs", malgré un titre spectactulariste (ouh le vilain néologisme) est un bilan absolument passionnant d'une vie passée à essayer de comprendre pour anticiper.
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