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Côté Beurre
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20 octobre 2009

Fier comme un pou(jade)...

Vous l’avez lu dans l’avant-dernier billet, j’ai employé le mot « poujadiste ». A la demande explicite d’une seule personne (et la demande silencieuse de plein d’autres qui n’osaient pas demander), et parce que ça fait longtemps que je n’ai pas fait mon intéressant en tâchant de vous apprendre quelque chose, voici un petit exposé sur ce mot… Qui, avantage non négligeable de la chose, va me permettre de parler politique.

Force m’est de constater que ce terme n’est, aujourd’hui, plus connu par grand monde… Ou s’il est connu, sa définition est floue dans l’esprit de beaucoup de gens. C’est un mot qui fleure bon la franchouillardise, et qui a tendance à tomber en désuétude, alors que son usage devrait être plus fréquent que jamais… En dépit du fait qu’il date des années 50. Pour info, c’était un néologisme, comme beaucoup de mots à leurs débuts.

En fait, l’histoire de ce mot commence avec Pierre Poujade… C’est, ou du moins c’était (puisqu’il est mort en 2003) un homme politique français. Il est né en 1920, et tous ceux qui en ont entendu parler ont tendance à le confondre avec l’ancien maire de Dijon, Robert Poujade (né en 28, toujours en vie, ancien maire de Dijon et ancien député… Mais on s’en fout).

Pierre Poujade est ce qu’on pourrait appeler un héros du peuple… Mais un héros à la petite semaine. Leader syndical n’ayant pas fait beaucoup d’études, il incarne la lutte contre la bureaucratie et le fisc, contre les nantis et les notables, contre les « gros » par tous les petits : Il acquit ses lettres de noblesses, si l’on peut dire, en organisant une mini-rébellion de commerçants locaux face à un contrôle fiscal en 1953.

Tribun né, marqué par des idées d’extrême droite et connu pour ses propos antisémites et xénophobes, il est surnommé « Poujadolf » par les gens de gauche de son époque… Il dénonce ce qu’il appelle « l’état vampire », il reprend la rhétorique pétainiste de la « maison France », et a beaucoup de succès auprès des petits commerçants, prônant le « bon sens des petites gens » au détriment des intellectuels, qu’il rejette en bloc.

Saluons celui qui organisait les jacqueries des sans grades et des petits commerçants contre la grande distribution avant même que José Bové n’ait appris à dire « McDo »… Celui qui organisa avant Le Pen (et après 1945 !) des meetings nationalistes à la rhétorique raciste replète de billevesées sur le complot juif… C’est bien simple, Jean-Marie Le Pen lui a tout piqué : Il s’est d’abord fait élire député sous la bannière du parti de monsieur Poujade.

Adonc, Poujade a fondé un mouvement syndical dont le nom veut tout dire : l’Union de Défense des Commerçants et Artisans… Et un parti politique pour aller avec, Union et Fraternité Française. Certes, un syndicat n’est pas supposé être politique… Alors que, aujourd’hui comme depuis l’invention de la chose, c’est indissociable. Mais passons. Le mouvement dans son ensemble s’appelle familièrement le Poujadisme.

Oh, ça n’a pas duré bien longtemps, de 1953 à 1958… Après quoi Poujade s’est fait « gaulliste de gauche », une dénomination floue qui lui a permis de soutenir, en bon opportuniste politique populiste, tous les candidats vainqueurs aux présidentielles, à l’exception de celle de 2002. Mais, pendant les cinq ans ou son parti exista, quel succès ! A son apogée, il avait 52 sièges à l’Assemblée… Et était en couverture de Time Magazine !

C’est mieux que le FN, mieux que le parti CPNT de Frédéric Nihous, mieux que De Villiers, mieux que la confédération paysanne, Bref, mieux que tous les petits partis de droite et de gauche qui ont largement pompé ses « idées », et surtout ses méthodes… C'est-à-dire un programme très classe moyenne, l’idéologie du « tous pourris », la revendication d’une identité et d’un terroir français, et, souvent, des méthodes… musclées.

Ce qui nous amène à l’utilisation actuelle du terme poujadisme (et par extension poujadiste), qui qualifie péjorativement, en politique française un discours démagogue, populiste, mensonger au point d’être bébête, et surtout empreint de corporatisme… Du genre à faire jouer les petits commerçants contre les gros, les agriculteurs contre les multinationales, les contribuables dits moyens contre les nantis et les politiques.

Il peut, bien sûr, s’agir d’extrémisme, il s’agit parfois d’un discours réactionnaire ou anti-immigration, parfois frondeuse, mais il s’agit TOUJOURS de démagogie. C’est la politique des petits vieux, la politique manichéenne à la rhétorique épuisée et qui pourtant ne s’épuise jamais, c’est la politique qui en appelle aux petits bourgeois, à madame Michu, la politique de café du commerce… Qui rabaisse le débat plutôt que de l’élever.

C’est bien sûr la totalité des discours de Jean-Marie Le Pen ET ceux de sa fille Marine… C’est Olivier Besancenot qui organise sa petite révolution des fonctionnaires… C’est François Bayrou qui se veut chevalier du populo… C’est Ségolène Royal, énarque, qui dit « Moi, cette réforme, je l’aie lue, j’ai rien compris »… C’est Nicolas Sarkozy, et son dauphin Jean, qui parlent de « La France qui se lève tôt et qui travaille dur »…

Et ainsi de suite. Vous en connaissez tous, il y en a plein, et qui le font avec plus ou moins de talent et d’excès. Comme je le disais, le terme poujadiste devrait être utilisé plus souvent… Voire même tous les jours, quitte à devoir en rappeler la définition et l’historique plusieurs fois. C’est une forme particulière de populisme, endémique de nos jours, qui infecte tous les bords et partis de la vie politique.

Bien plus que la grippe A, c’est LE truc méprisable à éradiquer une bonne fois pour toutes… Hélas, c’est comme les mauvaises herbes, ça revient toujours. Surtout quand les temps sont durs.

Pierre_Poujade_Time

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