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Côté Beurre
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30 avril 2009

Voyage en Homophobie XVIII : Madame Michu...

Rien n’est plus délicat dans la vie d’un gay que son coming-out. Il ne faut jamais le brusquer, jamais en faire une fin en soi, il faut faire attention à ce qu’on dit et à qui en fonction des gens à qui on le révèle… Même s’il faut le faire quand c’est possible, il ne s’agit pas toujours de crier sur les toits sa gaytitude. L’annoncer aux parents provoque toujours un choc, alors mieux vaut faire ça de manière contrôlée…

On n’est pas obligé de sortir du placard pour tout le monde en une fois. Il peut être très bénéfique de vivre au grand jour, certes… A terme. Et à condition de pouvoir vivre. Il ne fait pas bon être homosexuel dans certains quartiers dangereux. Il ne fait pas bon faire son coming-out quand on n’est pas suffisamment indépendant pour assumer d’être viré de chez-soi, de son travail, ou ostracisé par certains « amis ».

Madame Michu s’en fiche : Ce qu’elle cherche, c’est un bon ragot à colporter. Bien sûr, il existe des Mesdames Michu de tous les âges et de tous les sexes… On désignera par ce stéréotype de la concierge ou de la dame-pipi tout dénonciateur spontané qui se complait dans les ragots, et qui « oute » volontairement les gens, se mêlant de ce qui ne le regarde en rien.

Lorsque Madame Michu voit deux garçons ou deux filles s’embrasser dans la rue, elle s’écrie aussitôt « Oooooh ! Mais ça devrait pas être permis, ça ! », et court le dire à sa voisine, ou aux clientes de l’épicerie, ou à sa boulangère, ou à sa concierge… Bref, à QUELQU’UN, généralement une autre Madame Michu qui colportera la nouvelle, si elle est bien juteuse, et ira de son « Ah lala, mais où va le monde ? »…

Si elle a l’honneur de connaître l’un des embrasseurs, on peut être sûr que tout le quartier sera au courant d’ici peu. Oh, elle fait la même chose avec un adultère, par exemple, prenant soin d’en informer le voisinage à l’exception du conjoint trompé « parce que, le pauvre, tout de même… ». Seulement, quand il s’agit d’homosexualité, Madame Michu devient ce qu’on appelait dans les seventies un Hétéro-Flic…

Elle dénonce le gay à sa famille, souvent d’un ton plein de sollicitude, au téléphone : « Madame Lamèredugay ? Oui, c’est Madame Michu à l’appareil… Ecoutez, je ne sais pas si je devrais vous dire ça, mais je crois que votre fils file un mauvais coton… Je l’ai vu hier avec un garçon, et… » Vous voyez le genre. Comme si elle faisait œuvre de salut public.

En tant que mère homophobe, elle ne se contente pas de tancer son enfant gay : s’il/elle a un(e) petit(e) ami(e), Madame Michu téléphone aux parents pour les mettre au courant de la situation ! Si le coming-out est déjà fait, ça tombe à plat, si non, ça peut carrément ruiner des vies. Et il ne suffit pas que tout le quartier, toute la famille ou tout le lycée soit au courant : Si elle est croyante, elle contacte même le prêtre.

Je connais une famille qui a été brisée de cette façon, et un garçon qui, ainsi sorti du placard à 17 ans, a passé un an de misère avant que ses parents ne le foutent à la porte sans un sou dés qu’il eut l’âge légal. C’est récent, ça arrive encore. Mais il y a pire : J’en connais un qui s’est fait dénoncer par sa voisine pour pédophilie parce qu’il avait amené chez-lui un gars de vingt ans qui faisait jeune, et qui criait pendant l’amour…

Heureusement, les actes méprisables de Madame Michu sont, de nos jours, limités par l’illégalité de l’homophobie et le fait que l’homosexualité ne soit pas un crime… Mais ils peuvent tout de même faire de gros dégâts en attirant l’attention des homophobes sur un gay autrement invisible : refus d’augmentation, expulsion à la première incartade, quolibets à l’école, tabassage… Et nous avons déjà parlé des conséquences familiales.

Madame Michu n’aurait pas été si mal lotie en 1940, du temps des lettres de dénonciations. Salope.

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