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Côté Beurre
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22 janvier 2009

Mots, torts, holà...

J’aime les mots. Tous les mots. Je l’ai déjà dit plusieurs fois, d’ailleurs, et j’ai horreur de me répéter… Mais cette simple phrase vaut qu’on la répète : tous les mots sont importants. Je maugrée souvent sur les néologismes imbéciles venus avec leurs gros sabots pour remplacer des mots encore parfaitement valables, ou encore les termes utilisés à mauvais escient, ou bien les lieux communs de la mode…

Mais je les aime tous.

Qui aime bien, châtie bien, alors je châtie mon langage. Je ne renie même pas les mots morts-nés et assistés comme courriel… Pas plus que je ne blâme le faux anglais de benchmarking, la vulgarité de kiffer ou l’étrange boucle du terme praticiel (ce qui signifie l’équivalent dans la vie réel d’un logiciel, c'est-à-dire une série d’instructions informatisées… autrement dit, un manuel imprimable !).

Si je condamne les horreurs telle dérégulation, gentryfication, efficient, solutionner et les verbes abusifs du premier groupe dont le nom est légion (missionner, finaliser, budgéter, dispatcher et tous leurs cousins en « iser » inventés  au débotté par des crétins congénitaux qui ne connaissaient pas le mot pour dire leur absence de pensée), j’accepte tout de même de les garder à l’essai, au cas où ils aient du succès.

Ils font tous partie de ma langue, une grande famille qui change tout le temps, et c’est très bien comme ça… Tous ont leur place, les grands mots, les petits mots, les mots doux, les gros mots… Oui, tous sont légitimement utilisables dans un contexte précis (ou sont au moins de bons essais) tant qu’on ne fait pas n’importe quoi avec et qu’on les respecte.

Et il faut les respecter, parce que les mots ont seuls le pouvoir de changer l’esprit des gens… Mais ceci est une autre histoire. Je ne disais tout ça qu’en préambule à un sujet beaucoup moins sérieux. En effet, si je respecte tous les mots, j’ai quand même mes petits préférés. Comme tout le monde. Peut-on m’en blâmer ? J’ai déjà parlé languissamment de bite, de zob, et de tous leurs synonymes…

En tout cas il y en a aussi que je déteste.

Par exemple faire et mettre. Je les utilise tout le temps, ne serait-ce que dans la phrase « Allez vous faire mettre ! ». Mais je ne leur fais pas confiance… Ils peuvent vouloir dire n’importe quoi ! Je crois que le verbe faire a plus de 200 synonymes à lui seul, selon le sens qu’on lui donne : travailler, réaliser, créer, fabriquer, agir, exécuter, devenir, jouer, instaurer, produire, causer, enfanter, constituer, commettre

Et je ne parle même pas de la forme pronominale (se faire, avec un pronom, pour les amputés de la conjugaison qui me lisent…), qui signifie s’habituer autant que s’arranger, accepter, s’améliorer… Quant à mettre, il est presque aussi fourbe : unir, assembler, poser, ranger, enfiler, passer, revêtir, s’organiser, commencer, admettre, enculer… et bien d’autres en fonction du contexte et des mots qui vont avec.

Mettons, pour faire court, que mettre les mots faire et mettre dans une conversation, c’est paresseux… C’est si facile, c’est si passif, si pervers, ça permet de ne pas réfléchir ! Faire quelque chose ? Agir. Se mettre là ? S’asseoir. Faire une école ? Suivre des cours. Se mettre ensemble ? Vivre ensemble. Faire une sculpture ? Sculpter. Mettre une étagère ? La poser.

C’est un peu comme les adverbes de manière. C’est la solution de facilité que de dire régulièrement, paresseusement, couramment, pesamment, lourdement, docilement, bravement et stupidement les dérivés indolents d’adjectifs qui ne vous ont rien fait et qui alourdissent vos phrases du tempo di valse ma non troppo vivo de leurs syllabes molles et ondulatoires…

Mais ça, c’est surtout une question d’usage intelligent (et non pas question de les mettre intelligemment) dans la phrase.

Il y a quand même des mots moches. Pas vraiment sales, mais qui emportent la gueule avec leurs voyelles à se décrocher la mâchoire et leurs consonnes geignardes… je les utilise à contrecœur. Des mots pourtant anciens et respectables comme moucharabieh, chibre, blanchiment (tous ces chuintements, quelle horreur à l’oreille !), massicot, comburant, oukase, maheutre, incréée… Vous voyez ?

Le genre de mot qui fait penser aux noms de Zola. Du reste, à l’oreille, les prénoms ne sont pas en reste. Il y en a que je ne veux même pas entendre… Fanch, le masculin de Fanchon (qui est déjà terrifiant), ou Andrée (prénom féminin qui signifie « viril »…), et j’en passe. J’ai déjà fait un billet d’humeur sur les prénoms moches, et je n’ai pas hâte de me replonger dans des affres d’avant-guerre.

Tout ça pour dire que j’aime les mots, mais il y en a qui écorchent mes oreilles. Et, oui, vous avez bien lu, l’introduction est à peine plus courte que le reste du billet, et le propos principal, la raison pour laquelle je voulais écrire ce billet en premier lieu, ne fait que huit petites lignes. Et encore, diluées. Il faut dire que j’aime tellement les mots que je m’en gargarise volontiers…

Et vous, quel sont les mots qui ne sonnent pas bien à vos oreilles ?

Les_mots_de_Zaza

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Commentaires
E
Merci, monsieur Beresford, pour ce commentaire poétique qui, à sa manière, rend hommage au langage qui sépare l'homme de la bête, et le ramène trop souvent au niveau de celle-ci...
B
Quelle vaste question! Les mots.<br /> Pour les sens variés et quelques fois avariés qu'ils peuvent revêtir, on peut tenter une hypothèse. Tentative:<br /> Si le langage articulé vise à la communication et que les mots en sont tout à la fois les braises et le tisonnier; Encore faut-t-il comprendre que ce que l'on nomme "communication" n'est rien d'autre que de la gestion de malentendu. Incompréhension lorsque cette gestion et simplement malhabile, elle devient mensonge et hypocrisie dès qu'elle est volontairement orchestrée. La complexification des mots, au fil du temps, participe tout à la fois et de cette maladresse et de cette manipulation.<br /> A l'origine du mot n'existe qu'un pragmatisme très animal. Un mot pour une chose, une idée, un désir. Puis l'Homme s'en empare et le façonne à son image: Complexe, ambigu, changeant, généreux et égoïste, audacieux et peureux, passionné et indifférent. Le mot devient multiple de lui-même et cette multiplicité fascine ou dérange, intrigue ou gène. Quelques fois elle indiffère. Et puis, on les oublie. Les mots meurent aussi.<br /> Enfin, il y a ces mots qui nous dominent. Ils nous révèlent alors que nous pensions nous dissimuler derrière. <br /> Mais les mots qui nous dévoilent le plus ne sont-ils pas ceux que l’on ne prononce pas ? Soit que soigneusement on les évite, soit que l’on considère qu’ils ne sont pas des notres.<br /> Ce matin « hémisphère » a ma faveur.<br /> Comme ça ! Pour rien !
E
Oint, troène, thuyas, bière, sarouel, rastacouère, moukère, paréo, pashminah, organza, thuyonne, mas, cagna... Tous ces sons barbares que j'avais oublié...
P
Moi je dois avouer que j'ai un penchant pour les gros mots, ces mots qui sont ceux par lesquels on aborde une langue en général. C'est vrai quoi, tout ce que je sais dire en espagnol, c'est "Ola qué tal ?" et "Hijo de puta cabron". Idem pour l'allemand, je n'ai retenu que quelques mots, dont "Du bist blöd"<br /> <br /> Quant à ceux que je deteste... tous ces mots qui expriment quelque chose de dégoutant comme "suppurant", "suintant"... sinon "oindre" j'aime pas trop non plus.
N
Juilletiste, c'est très Louis-Philippe.<br /> <br /> sinon, je recommande vivement à tous un chouette petit bouquin réédité chez 10/18, le Dictionnaire des Mots Rares et Précieux, qui permet à peu de frais d'enrichir son vocabulaire de friandises telles que Leude, Libouret, Escarbeille, Périscélide ou Caserel (je note au passage que le correcteur orthographique intégré de mon Renard de Feu ne reconnaît que Leude, qui désigne un chef de bande germanique à l'époque des grandes invasions).<br /> <br /> en dehors de ça, je ne répugne pas à créer moi-même d'aberrants néologismes, juste pour l'inutile beauté de la chose.
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