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Côté Beurre
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2 février 2008

Cancer ascendant poison.

La publicité est décidément un « genre » aussi abyssal qu’opportuniste. Oh, lorsque la pub est simplement bête, je m’en fiche comme de l’an quarante. Par exemple, la publicité pour ce fromage fondu, la cancoillotte Président, qui spécifie que ce produit a un bon goût fromager… Vraiment ? Grands dieux, est-ce possible ? Et moi qui croyais depuis tout ce temps que le fromage avait un goût banane-fraise !

Bref, la publicité s’adresse aux cons, alors je ne m’étonne guère d’un tel niveau. Mais là il y a danger.

Il ne s’agit pas seulement de profiter à moitié sérieusement des idées nauséabondes que charrie l’air du temps, comme la publicité pour la Fiat Grande Punto (la « voiture citoyenne »), ou de parsemer avec bonheur les réclames de mentions plus ou moins légales pour se donner bonne conscience, ni même de jouer avec les appellations pour faire croire qu’il s’agit d’un produit bio, allégé, voire médicinal…

La publicité dont je veux vous entretenir est ignoble à tous les sens du terme. Vous l’avez sûrement vue :

Un homme et une femme font l’amour à la sauvette dans des toilettes sales, décor gris et poussiéreux. La femme a l’air fatiguée, l’homme a l’air malade. Le crâne rasé, un gros grain de beauté sur le côté de la tête, l’air maigre et have, il a le teint cireux même lorsqu’ils se sourient. Le message, je cite : cette femme est en train d’attraper une maladie mortelle.

Et tout le monde pense qu’il s’agit du SIDA… mais, surprise, c’est le cancer. Car nos anti-héros travaillent tous deux dans un lieu fumeur, un café plein de mégots. On le voit, et c’est explicitement dit, c’est une « pub » antitabac conçue pour mettre mal à l’aise. Eh bien moi, ça me met mal à l’aise, mais pas du tout pour les raisons auxquelles ont songé les raclures de bidets qui ont commis cette atrocité.

Ces images en prime time sur les chaînes publiques véhiculent des préjugés d’une bassesse effarante et d'une insidieuse perversité !

Première idée : Le SIDA s’attrape en baisant dans des toilettes sales, dans un vieux bar pourri (ou en tout cas de façon pas romantique du tout et en forniquant vite fait), entre jeunes gens qui ont l’air malade et qui ont un boulot de merde genre balayeur ou femme de ménage. Ben voyons… Stigmatisons les malades, c’est de leur faute peut-être ! Et tant qu’on y est, pourquoi pas croire que les rouquins font tous de la sorcellerie ?

Juste pour info, le taux de contamination par le SIDA des plus de 60 ans est plus élevé que celui des 25-30 ans. On se tue (ha ha) à dire qu’il est à la fois raciste, faux et imbécile de raisonner en stigmatisant des groupes à risques. Il n’y a que des comportements à risques, qui ne dépendent absolument pas du milieu ! De plus, la séropositivité ne change en rien l’apparence d’un individu.

Deuxième idée : Les séropositifs ont tous l’air émaciés, limite drogués ou alcooliques, ont tous le crâne rasé, et sont tous crevés et marqués par le sarcome de kaposi. Ils ont tous un boulot de merde. Mais a quoi ça a servi, je vous le demande, de faire une campagne par an contre le racisme anti-séropositif ? A quoi ça sert de crier sur les toits qu’avoir le SIDA, ça ne se voit pas, ça ne se voit plus forcément ?

Si ça se trouve, le mec de la pub a mis une capote. Même s’il n’est pas très romantique, il a pu avoir une once de jugeote, non ? Ou peut-être est-ce qu’ils sont amoureux, ensemble, qu’ils se font confiance et qu’ils se sont fait tester tous les deux. Mais ils ont l’air malades, ils ont l’air de prendre un risque, c’est trash, et la pub en joue de façon appuyée, et on ne peut pas s’empêcher de penser au SIDA en lisant « maladie mortelle ».

Troisième idée : Le cancer s’attrape obligatoirement via les mégots et le sexe avec un cancéreux ou un sidéen, et le SIDA s’attrape en fumant, en buvant, et en baisant avec un cancéreux. Eh oui, dans cette publicité, on ne voit personne fumer, rien ne dit que les protagonistes absorbent quelque nicotine que ce soit. En revanche, on les voit baiser en cachette. Attrape-t-on le cancer en baisant, ou le SIDA en fumant des clopes ?

Confusion totale. Le type a l’air malade… malade du SIDA ou du cancer ? D’un sale rhume ? Est-ce que, donc, le cancer s’attrape par voie sexuelle ? Est-ce que la cigarette accroît les risques de contamination par le VIH ? Sans la moindre considération, une publicité qui veut nous informer des risques du tabac démolit un long travail d’information et de prévention.

Quatrième idée : SIDA = Cancer. Rien n’est plus différent que ces maladies là, pourtant. Elles provoquent des symptômes qui n’ont rien à voir entre eux, s’attrapent de manière complètement différentes (on n’est même pas sûr de comment on « attrape » un cancer, exactement, alors qu’on n’a aucune surprise avec le SIDA), et ont des mécanismes biologiques diamétralement opposés.

Pour mémoire (mais vous le saviez, bien sûr), le SIDA, Syndrome de l’Immunodéficience Acquise, est une maladie causée par un virus, transmis sexuellement et par le sang, qui cible les cellules du système immunitaire, et l’affaiblit, rendant le corps vulnérable à la moindre infection. Le cancer est une prolifération anarchique des propres cellules du corps humain, et ses déclencheurs peuvent être multiples et mal connus.

Cinquième idée : Le SIDA, comme le cancer, ça arrive, mais heureusement, la loi antitabac est là pour nous sauver. C’est loin. C’est réservé aux jeunes drogués qui baisent aux chiottes. Cette pub est aliénante à souhait, choquante, sans musique et pleine de chiffres sinistres (très à la mode). On peut la regarder et avoir bonne conscience, parce qu’on est d’accord avec : le cancer,, et le SIDA, c’est mal.

Cette catastrophe due au service public n’est là que pour soutenir à 100% la loi entrée en vigueur au premier janvier, en stigmatisant les fumeurs pour les assimiler à des drogués, des cancéreux et des séropositifs qui contaminent les autres (accréditant de ce fait ce genre de préjugés)… Et en stigmatisant tout autant le bar-tabac comme le repaire grisâtre et sale des paumés et des moribonds !

Je ne vois qu’une chose à dire : propagande.

Je connais personnellement un nombre conséquent de fumeurs, et aucun n’est mort d’un cancer, du poumon ou d’ailleurs, ni même leurs copains, victimes du tabagisme passif. Je connais en revanche un quinquagénaire qui pète la forme et qui s’est remis d’un cancer dû au tabac. Le cancer n’est PAS irrémédiable. Dépisté, ce n’est PAS la mort assurée. Le SIDA, en revanche, oui.

Ne confondons pas tout, et, plus que jamais, cessons de faire confiance à notre écran de télévision !

Cela devrait pourtant tomber sous le sens.

Cancer_boy

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Commentaires
E
Tout d'abord, merci pour cet éloge... A présent, au sujet d'un cinéma miraculeusement exempt de ces étrons commerciaux...<br /> N'y comptons pas : dans les films, les messages douteux sont là depuis longtemps (Hollywood comme le cinéma français sont en pleine période de soutien idéologique et politique), de même que dans les publicités que l'on passe avant la séance.<br /> Les buts sont évidents à ceux qui savent regarder. En général, il s'agit de contrôler ce que pensent les cons pour promouvoir un certain comportement... Ou, dans le cas d'une pub qui cherche à vendre, de profiter de la recrudescence d'une idée (si nauséabonde soit-elle) pour vendre le produit à cheval sur celle-ci.<br /> Dans les deux cas, où sont passées les publicités intelligentes, originales et drôles ou le produit est vanté pour lui-même ?<br /> Je pense qu'il y en a moins parce qu'il y a moins de produits capables de se vendre pour ce qu'ils sont. Il ne reste que de la merde.<br /> On notera que les bons produits, dans les supermarché, se vendent sans qu'on aie vu une seule pub pour eux à la télévision.
S
Bonjour El Romanozo!<br /> <br /> Bonne réaction, solide et bien argumentée, elle te fait honneur et je suis heureux de la lire, propagande, la publicité devient immonde, intrusive à la TV, je ne l'ai plus, j'espère que les salles de cinéma vont nous épargner ce genre d'obscénité faussement moralisatrice. Plus généralement le discours ambiant propage la peur de l'autre. Dans quel but?
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