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Côté Beurre
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10 octobre 2007

Dans les moiteurs enclos, comme disait Rimbaud...

Voilà un billet long et dur sur un sujet chaud !

Après avoir discuté de l’obsession de la luxure, du comique, puis indirectement de la pornocratie sur PinkTV, continuons dans la série « c’est du cul mais pas comme on s’y attend »… Aujourd’hui nous allons parler d’un des lieux qui marque le plus la sexualité gay, et que certains hétéros nous envient. Je veux parler du sauna gay (à différencier du sauna classique, ou de la backroom).

Petit descriptif pour ceux qui ne savent pas ce que c’est :

Un sauna gay est un établissement de bains privé, dont l’entrée est payante, et qui propose aux gays un endroit où se rencontrer dans le plus simple appareil et pratiquer leurs ébats à l’abri du regard des hétérosexuels. Ils proposent au moins un sauna et un hammam, un bar, des douches, parfois piscine, jacuzzi, salle de gym, et surtout des cabines privatives avec matelas pour « se relaxer ».

Ils refusent bien entendu les femmes à l’entrée, et il est clairement affiché qu’il s’agit d’un lieu gay. A l’origine, quand l’homosexualité était un crime, les saunas strictement gays n’existaient pas. Le bouche à oreille permettaient aux homos de se retrouver dans de tels lieux, mais il était toujours possible que des hétérosexuels s’y trouvent, ou pire, des policiers en civil ! Il y avait même des descentes de police.

C’était comme pour les squatters, les putes, les drogués… Du chiffre pour la police, des gens à casser.

Il y a trente ans seulement, on était obligé d’aller là-bas pour pouvoir draguer, ou se rencontrer en toute sécurité, anonymement… C’était presque la seule sexualité gay. Aujourd’hui ce problème n’existe plus trop dans ce que nous appelons les pays occidentaux, mais l’habitude de se cacher ne se perd pas aisément. Il est encore problématique de draguer ouvertement des gens de même sexe, même si on ne risque plus la prison.

Mais pourquoi les saunas ont-ils autant de succès, sont-ils si emblématiques de la vie gay alors même qu’ils ne sont plus aussi nécessaires à beaucoup ? Il faudrait déjà voir ce qui s’y passe, au juste.

Chacun connait l’aspect pittoresque du sauna et de ses personnages si comiques… La jeune star qui ne couche avec personne mais reste alanguie sur le canapé, montrant ses muscles… Le vieux qui va se cacher dans les coins sombres et suce tout ce qui passe… Le timide en boxer ou en marcel… Celui qui monopolise les toilettes pour y faire du sexe alors qu’il y a la queue dehors…

Et ce gars qui se cogne dans les murs, ce n’est pas (forcément) parce qu’il est drogué mais parce qu’il a laissé ses lunettes au vestiaire. Oh, et si vous voyez un type à quatre pattes dans une cabine avec, bien alignés sur le côté, un pot de lubrifiant grand format, une ceinture épaisse, des gants de chirurgien et une petite fiole bizarre, soyez sûr de savoir à quoi tout ça sert avant d’entrer !

Il y a aussi des usages à connaître. Le plus important : si vous dites non, on ne vous embêtera pas… à moins que, avec votre accord, le mec dans votre cul ait déjà dépassé le poignet, auquel cas c’est du foutage de gueule. Mais honnêtement, un rateau, au sauna, c’est vachement moins grave qu’ailleurs. Et c’est comme dans une soirée : plus on reste longtemps, plus les mecs deviennent baisables.

Autre us : vous pouvez échanger toutes sortes de fluides avec des inconnus, mais pour une raison quelconque, un cockring, c’est comme une brosse à dents,  ça ne se prête pas.

Il y a aussi les pieux mensonges du sauna : désolé, pas maintenant, je viens de jouir (c’est gentil mais c’est pas vrai !)… C’est ma première fois (il faudrait informer ceux qui disent ça qu’un cul large et la faculté de prendre une bite au fond de la gorge, c’est pas génétique)… Et n’essayez pas d’avoir l’air timide après vous être fait passer dessus par douze mecs devant tout le monde.

Mais tout ça, ce ne sont qu’indigènes rigolos et coutumes superficielles. Allons au fond des choses…

Déjà, on n’appréhende pas le sexe et l’identité de la même manière dans le sauna et au dehors ! Le sauna, les saunas, forment une société, avec ses règles, ses politiques, ses coutumes… Un genre de sous-culture de la pulsion anonyme. On a peu écrit sur ce genre de choses. C’est vraiment un autre monde, enclos, à l’intérieur même du ghetto gay.

Les saunas offrent aux gays l’acceptation totale. Aucun autre établissement, même dans le plus tolérant, n’atteint cet idéal gay… Ne nous leurrons pas, la communauté gay est extrêmement ségrége et superficielle. Si vous faites de la muscu, vous allez dans les bars à muscles ; si vous êtes mince et imberbe vous allez en boite ; si vous êtes velu et enrobé, ce sont les bars à ours… etc. A chacun sa scène, son circuit.

Mais si vous êtes septuagénaire, handicapé, ou carrément obèse, c’est mort. Ou presque.

Les saunas sont le seul lieu gay où l’on peut voir tous les groupes imaginables sous le même toit. Latinos, blacks, beurs, blancs, twinks, nounours, asiats, bien montés, peu montés, obèses, poilus, séropositifs, cuirs, queers, emo, tatoués, bodybuilders, efféminés, séniors… Toutes les nationalités, tous les âges, toutes les tailles, toutes les pratiques. Personne n’est refoulé à la porte.

Comme tout ce beau monde est nu et doté de la même serviette (oui, ne passez pas trois heures à vous habiller avant…), il y a une certaine vulnérabilité inhérente à la foule des saunas. Le côté égalisateur de l’uniforme, mais sans le côté protecteur. La beauté physique, mais aussi le charme, sont ici les seuls critères déterminants… C’est parfaitement superficiel, et aussi parfaitement rafraîchissant !

Oh, certes, il y a ceux qui gardent des tongs, un cockring ou un jockstrap… mais c’est plus pour identifier certaines pratiques qu’une réelle classe sociale. Ce qui est bien, c’est que même le pire boudin a de bonne chances de baiser au sauna. Pour un peu, des mecs qui ne vous regarderaient même pas dans un bar se presseraient ici pour vous sucer la bite à plusieurs !

La nuit, tous les chats sont gris, même si 25cm font toujours plus envie que 15…

On ne sait pas ce que fait l’autre, et on s’en fiche. Des avocats d’affaires engagent la conversation avec des camionneurs… Même dans un lieu naturiste, il n’y a pas cette candeur inhérente au sauna. Dans un lieu nudiste, il n’y a pas de prétexte, si mince soit-il. Parce que le sauna gay est un sauna, la nudité y est normale (on ne se baigne pas habillé !), ce n’est pas un tabou que l’on brise : il n’y a pas de « bagage ».

Le sauna, c’est le confort mental autant que physique.

En dépit de toutes les avancées faites par et pour les gays dans la société, les gays se sentent encore très seuls. Peut-être parce que tout le monde se sent seul et différent, à divers degrés… Mais les gays ont la possibilité d’aller au sauna pour se mélanger à d’autres gays de toutes sortes, tout en sachant qu’ils ne sont entourés QUE de gays, là pour la même chose qu’eux. C’est… un lâcher prise !

C’est un besoin universel, et les circonstances ont fait que les gays y pallient ainsi : Le sauna permet de faire sauter un maximum d’obstacles sociaux pour permettre à deux hommes… d’être intimes.

Le besoin de sexe dans la communauté homosexuelle est bien sûr l’écho du sentiment de solitude dont nous parlons, mais c’est aussi la chose qui lie les homos, le seul trait commun qui sous-tend cette communauté (même si, à l’identité gay récemment créée, s’ajoutent de nombreux référents culturels). Le sexe remplit temporairement ce vide, ce besoin de compagnie.

Oui, on baise beaucoup dans les saunas. Le but principal est même de se vider les couilles… Que ce soit une pipe vite fait ou une sodomie athlétique, un exercice bestial ou sensuel, violent ou plan-plan, que l’on se fasse des câlins ou que l’on fourre sa bite dans un glory hole (un trou dans une cloison qui offre un anonymat encore plus grand aux deux partenaires), ou pire…

La conversation existe mais elle reste exceptionnelle. Des gémissements, une cinquantaine de mots du style Je vais jouir, Non, Tu veux que je te prenne ?, Viens dans une cabine, et autres, et vous êtes paré. Souvent, on entend Non, c’est la première fois que je viens, ou, hors des saunas Je n’y suis jamais allé, c’est pas mon truc, mais si c’était vrai il n’y aurait jamais personne…

Il est rare qu’on se tape le bout de gras en pleine orgie (à moins qu’il y ait un bear dans la salle) ! D’ailleurs il est un peu embarrassant de re-baiser avec le même mec quelques jours après… à moins qu’aucun de vous deux ne se souviennent précisément de l’événement (ce qui arrive, même sans drogue ni alcool, avec cette pénombre et cette histoire d’anonymat, quand on baise à la chaîne).

Mais il y en a d’autres, qui viennent dans les saunas pour la compagnie, pas si sexuelle que ça.

Une conversation engagée au bar du sauna, ou le fait de regarder deux mecs s’en donner à cœur joie, ça aussi ça comble le vide. C’est là que beaucoup d’homos, ou de bisexuels, encore bien au fond de leur placard, viennent tenter quelques expériences dans la moiteur anonyme, tandis que des hommes mariés y retournent pour assouvir leurs pulsions.

Ces hommes n’ont pas beaucoup de contacts avec la communauté gay, mais sont heureux de trouver un lieu sûr, non public, anonyme, et dont leur secret honteux ne sortira jamais.

Le sauna est un lieu où il n’y a que des hommes qui partagent… qui partagent quoi ? Pas grand-chose, si ce n’est leur goût des mecs. Mais justement, le sauna fait abstraction du reste. C’est certes une fausse sensation de sécurité et une acceptation illusoire, mais c’est plus que beaucoup ont eu dans toute leur vie. C’est aussi pour ça que l’on peut souvent croiser les mêmes personnes au sauna.

Ce sont des clients réguliers, ils y viennent pour traîner, comme on vient dans le même bar nuit après nuit… Oui, il y a des piliers de sauna comme il y a des piliers de bistrots. D’ailleurs, le sexe et l’alcool sont deux manières de combler un vide. Deux lieux similaires pour deux genres de mecs pas si différents, que quelque chose a rendu seuls d’une manière où d’une autre…

D’ailleurs il y a plusieurs sortes de saunas, comme il y a plusieurs styles de bars.

Il y en a qui sont vieux et sales, d’autres investis par une clientèle d’un certain âge… Il y en a qui font des promotions ou des soirées spéciales…  Il y en a des modernes ou d’autres à la déco exotique… Plus généralement, il y en a des conviviaux, avec un grand bar, ou des transats au bord d’une piscine, et d’autres qui ne sont que des usines à baise.

Sexe ou social, selon ce que les gens cherchent. La plupart des saunas ont leur équilibre, font un peu de tout, et trouvent une clientèle à la fois occasionnelle et régulière… Mais c’est l’aspect social qui fait que les clients réguliers reviennent : le sexe, c’est la même chose partout, tant qu’il y en a. Les réguliers ne se limitent pas au sexe, et souvent ils ne baisent pas.

Surtout s’il n’y a personne d’intéressant.

Entre ces réguliers, qui se croisent souvent, des conversations s’engagent facilement et des amitiés naissent… Mais ce ne sont que des amitiés superficielles. Vous ne reverrez pas ces hommes une fois sortis du sauna, et si jamais vous les croisez, c’est comme si vous ne vous connaissiez pas… Jusqu’à votre prochaine visite commune, où vous reprendrez la conversation où vous l’avez laissée, même si c’était il y a six mois !

Si vous n’y allez pas souvent, et si vous réalisez que ce qui se passe au sauna reste au sauna, si vous avez parfaitement conscience que tout ça est fermé et artificiel, alors, oui, vous pouvez entrer et sortir de ce petit havre pour un 5 à 7, comme on entre dans un bar pour un demi bien frais. Et c’est ça que les hétérosexuels nous envient : un distributeur de sexe simple et pas cher.

Malheureusement, il y a des alcooliques… et des gens qui tombent dans le piège de ce faux sentiment d’amitié.

C’est peut-être encore plus insidieux, cette fuite de la réalité. On ne vous prévient pas vraiment du danger, et votre réputation ne sera pas spécialement altérée même si vous y passez votre vie. Et ce n’est pas dangereux physiquement… du moins si l’on pratique le safe-sex. On peut même utiliser la salle de gym (souvent déserte) et se retrouver en meilleure forme qu’avant ! Mais sur l’affectif, cela peut faire des ravages.

Qu'en conclure ? Rien de plus que tout ce qu'on vient de dire. Que les gays ont la chance et la malchance d'avoir hérité des années de persécution ce système bien pratique et bien pervers (à tous les sens du terme)... Ajoutons que les lesbiennes ont essayé aussi, mais que, pour les femmes, psychologiquement, ça n'a pas l'air de marcher comme ça.

Irez-vous jusqu'à faire l'expérience ? La seule femme à peu près connue à avoir pénétré là-dedans, ce fut Rita Mae Brown, l'écrivaine, à l'aide d'une fausse moustache et d'une paire de pantalons... Pour voir. A croire que ça intéresse tout le monde, pas seulement la chanteuse Clarika, ce que font les garçons dans les vestiaires. En tout cas, maintenant, vous, vous savez à quoi vous attendre.

Dans_les_moiteurs_enclos

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Commentaires
E
"J'ai un peu lâché le marché", c'est parce que tu as un mec... Encore que, on a vu des tas de gens y tromper leur cher et tendre (et parfois l'y rencontrer par mégarde alors qu'ils étaient là pour le tromper)...<br /> Sinon c'est à ranger dans la case "Je n'y vais pas (plus), moi, mais je connais des gens qui y vont..."<br /> <br /> Bref, passons.<br /> <br /> Je vais la faire courte : je ne parlerai pas des saunas ou je suis déjà allé, ça ne regarde personne ! Il y a déjà sur Internet des listes et des guides pour les saunas gays parisiens.
C
j'aime bien ton étude, même si j'aurai tendance à considérer les saunas comme plus toxique que tu ne le dis.<br /> <br /> mais lesquels fréquente-tu ? je dois dire que j'ai un peu lâché le marché ...
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