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Côté Beurre
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4 octobre 2007

Et pendant ce temps, à Broadway, Elton John...

Vous souvenez-vous de cette histoire (ou peut-être n’en avez-vous jamais entendu parler) au sujet de Roberto Alagna, l’an dernier ? Pour ceux qui ne savent pas qui c’est, Roberto Alagna est un très grand ténor, très populaire. Assez bon et assez populaire en tout cas pour qu’on fasse appel à lui pour jouer le rôle de Radamès (l’un des premiers rôles, LE premier rôle masculin) dans Aïda, joué à la Scala de Milan.

J’ose espérer que je n’ai pas besoin de vous présenter la Scala, le plus grand et le plus prestigieux théâtre du monde pour ce qui est de l’opéra. C’est toujours Aïda qui ouvre la saison à la Scala, ajoutant encore au prestige de la chose… Et le public de la Scala, réputé connaître par cœur TOUS les textes et TOUTES les notes, est le plus difficile du monde.

C’est l’un des seuls publics qui siffle les opéras, qui siffle les chanteurs dés qu’il y a un pet de travers. Tout le monde est d’ailleurs sifflé. La Callas l’a été, Pavarotti aussi… Tous les plus grands. C’est une tradition, c’est « comme ça ». L’histoire dont je vous parlais, c’est que, justement, Roberto Alagna a été sifflé, un soir, au milieu de son premier air.

Dans ce cas, les chanteurs continuent sans rien dire, the show must go on, et tout ça… Même s’ils sont déstabilisés, même s’ils sont encore sifflés parce qu’ils font d’autres erreurs (du fait qu’on les déstabilise), même si ils ont le trac de leur vie dés le départ… Voyez-vous, même dans des conditions idéales, il est IMPOSSIBLE à un humain, même très doué, de jouer un opéra entier sans faute.

Et même si cela arrivait, les mélomanes de la Scala en trouveraient quand même !

C’est ce qui fait la beauté de la musique, si semblable à la vie : les différences d’interprétation, les « petites choses », le fait que les artistes ne sont pas des machines, ce qui fait que chaque représentation est différente. Quant à savoir la musique exacte que le compositeur avait en tête (si tant est qu’il ait été aussi dictatorial), personne ne peut le prétendre.

Pour en revenir à Roberto, le bougre a été sifflé au milieu de son air (un air difficile, rendu encore plus périlleux parce que le premier air est toujours celui ou la voix est la moins chaude). Et il est parti. Il a réagi au sifflet en cessant de chanter et en sortant de scène. Ce qui ne s’est jamais fait en cours de morceau. D’aucuns s’en sont offusqués, l’ont traité de lâche, ont dit qu’il n’avait pas ce qu’il fallait pour la Scala, ou ce rôle…

Certes, c’est sans doute un geste de ténor égoïste (et dieu sait qu’ils le sont tous)… Mais c’est surtout la réaction de quelqu’un qui veut qu’on l’aime (par définition), qui est sensible, qui prend le temps et l’énergie de devenir LE meilleur et de se livrer sur scène (ce que peu de gens sont capables de faire), qui s’est vraiment investi dans son métier, et qui se sent mal parce qu’on l’insulte en public alors qu’il n’a rien fait. Ou si peu.

Roberto Alagna est-il LE meilleur ? C’est un point de débat. A vrai dire, je préfère Bryn Terfel, même si certains le jugent techniquement moins bon. Mais là n’est pas le problème… De toutes façons on ne fait pas venir n’importe qui à la Scala, et Roberto Alagna est mondialement acclamé, consacré par le public dans les plus grands rôles.

Je dirais bien qu’il est l’héritier des Trois Ténors, mais ce sont des cons. En même temps, lui aussi, avec sa variétoche de merde…

Mais la vraie question, c’est : Le public de la Scala est-il le meilleur ? Moi je ne crois pas. C’est le plus chieur, c’est celui qui se prend le moins pour de la merde, c’est celui qui critique la perfection pour le plaisir. C’est un public difficile, mais pas au sens ou il est difficile d’en tirer des applaudissements… Il vous applaudit, mais il vous hue aussi. C’est un public qui vous siffle par automatisme. C’est pour lui un jeu.

On pourrait penser que c’est ce que je fais ici, que le les comprends… Il n’en est rien. Il y a une GROSSE différence entre huer une chanteuse qui fait ça par-dessous la jambe, et faire comme le public de la Scala… Comme entre moi, qui dénonce la bêtise, et un péteux qui n’a rien d’autre à foutre que de relever les fautes d’orthographes du web, y compris celles des insultes dont il fait l’objet, croyant que ça les invalide.

Le public de la Scala n’est pas un public difficile… C’est un public qui crache dans la soupe. C’est un public impossible à satisfaire, par définition, parce qu’il ne VEUT pas être satisfait. Il aime siffler. Pour lui, un opéra qui n’est pas sifflé, ça n’est pas amusant. Pire, ça n’existe pas. Il n’a aucun respect pour les artistes, ni même pour l’œuvre, et encore moins pour ceux qui veulent l’écouter en paix.

Et encore, quand le public n’est pas payé pour huer. Certains prétendent que ça n’existe plus, mais c’est faux.

Certes, tout le monde le sait. Roberto Alagna le savait lorsqu’il a accepté le rôle, mais il pouvait difficilement le refuser vu le prestige en jeu… Il savait pertinemment dans quoi il s’embringuait. Je laisse à d’autres le soin de dire que Roberto Alagna s’est dégonflé. Moi je préfère croire qu’il n’a pas besoin de ces quelques snobs qui se croient l’élite pour être LE meilleur… Ou quoi que ce soit.

Le ténor n’est sorti qu’un soir, sans doute parce qu’il avait les nerfs à fleur de peau, plutôt que de se ridiculiser.

Et on le comprend, parce qu’il avait carrément les boules, avant même son « scandale ». Lors de la première, son interprétation de Radamès n’a pas plu à la presse (malgré le triomphe du public). Il paraît que sa voix n’a pas l’énergie qu’il faut… Moi j’aime bien quand on ne reste pas figé dans une interprétation-cliché. Et s’il a quitté la scène, c’est parce qu’il était hué dés son entrée, par principe.

Qu’il suffise de dire que Roberto Alagna, s’étant mesuré avec succès à l’aune de la Scala, et ayant été applaudi à tout rompre, est la plus belle voix (ou du moins la plus reconnue) de sa génération… Et aussi la plus brave. S’il a eu le courage de revenir sur scène, et il a eu surtout le grand courage d’en sortir, pour priver ces sombres crétins de leur opéra.

Le ténorissimo, en rien coupé dans son élan, est d’ailleurs annoncé à Vienne, Rome et j’en passe.

Figurez-vous que, cet opéra, il est sorti en DVD. Il y a donc eu au moins un soir où il a été joué dans son intégralité. Je l’ai vu, il est magnifique, somptueux, parfait. Et sifflé. Je pense que c’est assez, comme preuve de bravoure, de la part des artistes… ET comme preuve de stupidité de la part des milanais. Je rêve du jour ou, comme Roberto Alagna, les artistes injustement sifflés sortiront de scène en masse…

… Prouvant au monde que l’opéra n’a pas besoin de la Scala et de sa mafia. Prouvant en monde qu’il tourne sans que la Scala ne régisse quoi que ce soit. Prouvant au monde qu’on prend la Scala au sérieux autant que des intellos de gauche parisiens… Et douchant la soif de sang des critiques snobs milanais, ni mélomanes, ni musicologues, juste imbéciles.

Je ne rejoins pas Roberto Alagna lorsqu’il éclate, en colère et notoirement imbu de lui-même depuis ses succès dans les bacs, que la Scala ne le mérite pas… Même si c’est vrai. Il ne le dit pas pour les bonnes raisons. La Scala et son public corrompu ne mérite pas grand-chose, certes, mais ce n’est qu’une partie de la vérité… C’est le monde qui ne mérite pas la Scala.

Personne ne devrait avoir à subir ce genre de cons.

Radam_s_jou__par_Roberto_Alagna___la_Scala_en_d_cembre_2006

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