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Côté Beurre
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21 août 2007

La bêtise est dans le pré.

Avez-vous déjà entendu un préfixe aussi galvaudé que, justement, le préfixe pré- ? Les mots et les circonstances dans lesquelles il est indispensables, ou même seulement utile, sont d’une extraordinaire rareté comparée à l’invincible armada des néologismes en tous genres qui font rage dans le français moderne. Et le pire c’est que ces expressions sont parfaitement acceptées.

Ça « fait mieux », ça fait genre, même si le préfixe n’ajoute rien au sens du mot… Tenez, par exemple, un terme que l’on retrouve dans tous les livres de cuisines : préchauffer. C’est quelque chose qui vient de nos amis anglo-saxons, mais ça n’a pas plus de sens chez eux que chez nous. C’est du jargon de mode d’emploi de four écrit avec les pieds, sans aucun doute.

Vous ne me croyez pas ? Alors quelle est la différence entre la phrase chauffez le four à 180°C pendant dix minutes et préchauffez le four à 180°C pendant dix minutes ? Il n’y en a aucune… Toutes les deux vous précisent que le four doit chauffer à telle température pendant un temps donné, et ce avant que l’on y mette le plat que l’on cuisine. Le préfixe n’apporte strictement rien au sens de la phrase !

C’est un peu comme le prélavage, terme tout à fait inapproprié puisqu’il désigne bel et bien un lavage… Encore du jargon d’ingénieur, de concepteur de machine à laver. Même si l’on peut à la rigueur considérer que ce n’est pas un vrai lavage, mais la première étape d’un lavage en machine, ce n’est pas quelque chose qui se déroule avant le lavage ! Faute d’un autre mot, on s’en contente ; mais on se contente de peu, avouez-le.

A peine mieux, la prévente. On s’attendrait à ce que cela désigne ce qui se passe avant une vente… Mais non, il s’agit aussi d’une vente ! Aujourd’hui, le terme désigne spécifiquement une vente privée ou sur invitation, avant la mise sur le marché officielle. Donc, au départ cela ne veut pas dire grand-chose, mais le terme a pris le sens de vente avant la vente. L'honneur est sauf seulement parce qu'il n'y a pas d'autre terme courant ou rapide.

Les informaticiens sont aussi très forts pour trouver des néologismes. Sans doute l’amour des chiffres fait il oublier à certains qu’il existe déjà des mots pour ce qu’ils ont en tête, même s’ils ne les connaissent pas. Inutile d’appeler pré-version une version béta, ou une démo ! A partir du moment ou le programme marche, c’est forcément une version, même incomplète ou prototypique.

Il y a même quelqu’un qui a employé devant moi (le cuistre !) le mot pré-planification, francisé du mot pre-planning qui ne veut rien dire non plus… C’est du langage d’entreprise à la con, évidemment. Il n’y a que ces gens là pour débiter avec sérieux des imbécillités aussi énormes… Ils ne se rendent pas compte que quand on planifie, c’est nécessairement AVANT d’agir ? Sinon ça s’appelle avoir des regrets !

Alors à moins que ces gens ne soient en train de planifier ce qu’ils vont planifier plus tard (ce qui est vraiment débile, mais fort possible, après tout, vu les épidémies de réunionite qui font rage un peu partout), s’il vous plaît, virez-moi ce préfixe ! Mais les mésusages de pré ne datent pas d’hier, et des mots d’une respectable ancienneté ont été formés ainsi. ON les utilise peu, justement parce qu’ils sont inutiles, mais ils sont là.

Exempi gratia : Préavertir, qui date dans sa forme ancienne du XVIe siècle. Comme quoi, il y a des cons à toutes les époques… Parce que, quand on avertit quelqu’un, c’est forcément AVANT que la chose ne se produise ! On ne va pas avertir quelqu’un qu’on va l’avertir, ce serait comme de téléphoner à quelqu’un juste pour lui dire qu’on va le rappeler !

Rien à voir avec préavis, qui est fort utile et a un sens très précis en plus d’être un terme juridique connu… C’est un avis que l’on donne à l’avance, par exemple sur un film avant de l’avoir vu ; un a priori que l’on partage. D’un autre côté, préavis a donné préaviser, verbe parfaitement hideux qui ne signifie que donner préavis, usité seulement par les plus méandreux des clercs administratifs.

Passons sur les pré- que l’on peut accepter, parce que ce sont des termes logiques et utiles, même s’ils sont l’indice d’une certaine paresse chez ceux qui les utilisent… Une civilisation préromaine ou la préfloraison, pas de problème, mais quand on commence à parler de Mâconnais pré-Bouvines ou de l’Amérique pré-Bush… Disons que c’est correct et qu’on comprend ce que ça signifie, mais c’est vraiment un pis-aller !

Il y en a encore d’autres dans le genre de ceux cités plus haut (précités, eh oui, mais celui-là est correct !). Une préconsultation, qui est en fait déjà une consultation puisque c’est une consultation préliminaire… Préliminaire, passé depuis longtemps dans le langage courant, n’est pourtant qu’une redondance : liminaire, c’est déjà quelque chose qui vient avant, en introduction !

La prélecture, terme officiel chez les typographes, n’est qu’une lecture, et même pas la première en plus… puisqu’il s’agit de la relecture d’une épreuve par l’imprimeur avant de l’envoyer à l’auteur lui-même pour approbation. En vérité je vous le dis, dans le pré-, on n’est pas sortis. Et quand par hasard on entend un mot en pré- qui n’est pas un pléonasme, les gens en rajoutent un pour faire bonne mesure…

Comme pour prévoir, que les journaleux adorent employer sans réfléchir dans l’expression… prévoir à l’avance ! C’est pourquoi j’ai cessé de considérer ces gens comme mal éduqués, ou pré-intelligents comme ils pourraient le dire, pour carrément les préjuger cons. Parce qu’ils ne réfléchissent même pas DEUX SECONDES avant de causer à des millions de gens.

Donc, cons. Pas pré-intelligents. Comme ça c’est clair, je n’espère plus d’amélioration…

Pr_

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Commentaires
E
Il y avait aussi présaler la viande... Encore du jargon, mais proche du pré-salé, qui lui est correct, et qui profite donc de l'homophonie !<br /> <br /> Et que dire du pré-embarquement, qui n'est autre que l'embarquement des enfants, handicapés et autres vieux éclopés ayant besoin de quelqu'un pour la leur tenir ?<br /> <br /> Il y en a tant, habituellement circonscrits à leur propre domains jargonneux. Ne les laissons pas sortir !
J
"Préencoller", ça c'est un mot sympa, non? Un peu concon, d'accord, mais qui sonne bien. Bon, préencoller, c'est déjà mettre de la colle, sauf qu'après y a plus qu'à mettre l'eau et puis coller le truc A sur la surface B. C'est pas si concon que ça finalement.<br /> Le pré-mot qui sonne le moins bien, je trouve que c'est "préquelle". Beurk. Beurk beurk. La suite d'avant et en plus sous forme d'anglicisme, non mais n'importe quoi!
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