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Côté Beurre
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24 mai 2007

Intrigués de cours ?

Je me suis aperçu, dans le cadre de ma fréquentation d’un tribunal d’instance, que la plupart des justiciables, français ou étrangers, n’ont aucune idée de ce qu’ils peuvent faire lorsqu’ils sont victimes d’infractions ou d’abus… Ou lorsqu’ils en commettent. Oh, ce n’est pas qu’ils ne sachent pas les grandes lignes de la loi, mais l’ignorance de la procédure est totale.

Beaucoup ignorent la lettre et l’esprit de la loi. Peu de gens savent, par exemple, qu’en cas de litige avec son propriétaire, on n’a pas le droit d’arrêter de payer son loyer (il faut le verser sur un compte bloqué et recourir à un avocat). Des brochures explicatives sont disponibles dans les commissariats, les tribunaux, les mairies… Mais l’ignorance va plus loin.

La majorité des gens que je rencontre sont incapables de dire quelle cour s’occupe de quoi ! C’est légèrement plus grave, parce qu’ils sont obligés, au moindre pépin, de courir partout de commissariat en mairie pour tenter de définir leur problème avec des fonctionnaires obtus… Après un ou deux jours, ils arrivent frustrés devant le bon tribunal, en se disant que finalement, c’était logique.

Car il y a une logique, malgré tout. Moi, ni une ni deux, toujours prêt à faire mon intéressant en étant didactique, j’ai pris mes renseignements sur le fonctionnement de la justice en France, et je vous en expose un résumé extrêmement succinct… C’est superficiel, c’est normal, c’est destiné à l’usager plutôt qu’à celui qui veut en comprendre les moindres rouages.

Grands principes :

Le pouvoir judiciaire remplit un mandat fondamental : il veille aux libertés individuelles et à l’état de droit. Mais il ne fait pas les lois, prérogative du pouvoir législatif. L’accès à la justice est garanti à tous les citoyens, la justice est gratuite, même si chacun prend a sa charge ses propres frais de justice (avocats, huissiers…), à moins que ne soit accordée une aide juridictionnelle, ou le paiement par la partie adverse lors d’un procès.

Les décisions de justice sont rendues en public, car tout citoyen peut vérifier (en théorie du moins) le rendu des décisions. Normal, la justice est rendue au nom du peuple français. Les procès sont réputés équitables et les juges neutres et impartiaux, en ce sens que les décisions prises le sont sans influence de partis extérieurs au procès, et en accord avec le droit.

La justice est fixe (géographiquement, les juridictions sont bien définies) et permanente (oui, même le dimanche et les jours fériés, en cas d’urgence extrême, il y a des gens aux commissariats et dans certains tribunaux). Les citoyens ont toujours la possibilité de faire appel d’une décision qui ne les satisfait pas… Enfin, nul n’est censé ignorer la loi, c’est pourquoi la justice est censée atteindre tous les citoyens.

Administration :

La justice française est administrée par le ministère de… la justice, bien sûr ! Le ministre de la justice est aussi le garde des Sceaux, garant des Sceaux de la République qui doivent être apposés sur les lois et les amendements à la Constitution. Le ministre définit les grandes orientations de la politique en matière de justice, de l’aide aux victimes jusqu’à la lutte contre la criminalité, en passant par l’accès au droit.

C’est le ministère de la justice qui réunit les moyens financiers de la justice, le personnel (magistrats et non magistrats), les équipements, les bâtiments, le parc informatique… C’est lui qui gère les prisons, c’est aussi ce ministère qui aide le gouvernement à élaborer des lois proposées dans bien des domaines, pas uniquement la justice pénale style police-menottes-prison.

Par exemple, le droit de la famille, les droits de l’enfant… Jusqu’à il y a peu, le ministère de la justice s’occupait aussi de la question de l’accès à la citoyenneté et à la nationalité. Les demandes de certificats de nationalité s’effectuent toujours dans les tribunaux d’instance, mais il existe à présent un ministère de l’immigration et de l’identité nationale. L’actuelle ministre de la justice est, depuis quelques jours, Rachida Dati.

Fonctionnement :

A chaque litige un tribunal : Les juridictions civiles règlent les conflits entre particuliers (vous voulez divorcer, votre voisin plante ses choux sur votre terrain, un contrat n’a pas été respecté, un fonds de commerce vous est cédé, il y a un problème de loyer, vous êtes viré, etc.) et les juridictions pénales sanctionnent les auteurs d’infractions (c'est-à-dire tout ce qui est interdit : vols, meurtres, se garer en double-file, etc.).

Lorsque vous êtes victime d'un crime ou d'un délit, portez plainte au commissariat avant tout. SI c'est vous qui l'avez commis, bonne chance... Mais s'il s'agit d'un litige entre particuliers ou personnes morales (entreprises, etc.), il vous faut prendre conseil auprès d'un avocat et/ou vous rendre au tribunal approprié de votre juridiction. Pour les demandes d'aides juridictionnelles, c'est le tribunal d'instance. Pour des conseils juridiques gratuits, c'est l'hôtel de ville.

Il faut encore distinguer les juridictions de première instance (un tribunal qui juge votre affaire pour la première fois, c'est-à-dire la plupart des tribunaux) des juridictions de deuxième instance (les cours d’appel, qui s’occupent une seconde fois de votre affaire pour la faire rejuger, ou non). Il existe aussi un ordre administratif en plus de l’ordre judiciaire, qui règle les litiges entre les particuliers et l’Etat ou l’Administration.

En l’état actuel des choses et à moins qu’une réforme n’entre bientôt en vigueur, voilà comment ça marche :

Messieurs, la cour !

Le juge de proximité : Selon le système en vigueur, c’est un genre de filtre à petites affaires, d’où son nom débile. Il en faut un ! Ils sont compétents pour les matières civiles telles les créances en dessous de 4000 euros, et en matière pénale pour les quatre premiers types de contraventions… Ce sont de petites sommes (oui, je sais, ça fait rire certains) et les contraventions les moins graves, du style stationnement interdit, etc.

Le tribunal de police : C’est ici que préside le juge des contraventions, pour les 5 classes cette fois. C’est lui qui peut vous retirer votre permis. Bon, on ne va pas en faire toute une histoire… Mais il faut s’y présenter. Sachez cependant que les infractions au code de la route sont de plus en plus chères, parce qu’elles sont à tort considérées comme bénignes… Malgré les nombreux morts sur les routes.

Le tribunal correctionnel : Devant le juge des délits, qui le préside, sont présentées les infractions graves comme les vols, les arnaques, la conduite en état d’ivresse, et tout ce qui vise à empêcher les droits des gens (y compris le droit du travail). Les sanctions vont jusqu’à dix ans d’emprisonnement, mais comprennent les amendes, les peines complémentaires, les travaux d’intérêt généraux, etc.

La cour d’assises : C’est le genre de cour avec jolies robes rouges qui juge les crimes et les tentatives de crimes. Viols, meurtres, mais aussi trafics divers et émission de fausse monnaie. Les sanctions prévues par la loi sont éminemment variables, le plafond étant la réclusion à perpétuité depuis l’abolition de la peine de mort en France par François Mitterrand en 1981 (ce que n’a jamais cessé de déplorer l’extrême droite).

Le tribunal de commerce : Il juge tous les conflits entre les commerçants (sans blague), marchands, négociants, banquiers et autres entités financières dans l’exercice de leurs commerces. Cela couvre beaucoup de choses, et c’est presque uniquement dans ces cours que se pratique le droit des affaires : liquidations et redressements judiciaires, fonds de commerces, opérations bancaires, opérations de courtage…

Le conseil de prud’hommes (et non pas DES prud’hommes, c’est un nom, pas un titre) : Un peu spécial, parce que les juges ne sont pas magistrats mais employeurs ou salariés eux-mêmes, il règle les conflits entre employeurs et salariés (ou apprentis), quel que soit le montant de la demande. Il est notoire que la justice des prud’hommes est aléatoire pour tout le monde : Tout dépend de sur qui vous tombez.

Le tribunal paritaire des baux ruraux : Derrière ce titre ronflant se cache la justice des bouseux, qui sent la terre et le lisier, les poulets de batterie et le pesticide nauséabond. C’est là qu’on juge les conflits de paysans entre propriétaires ruraux, fermiers ou métayers… C'est-à-dire le loyer du fermage, la reprise de la terre, la durée du métayage, et autres joyeusetés de la vie champêtre.

Le tribunal des affaires de Sécurité sociale : Comme son nom l’indique… Bref, il s’agit des conflits résultant des lois complexes qui régissent la cotisation et le remboursement de frais médicaux ou sociaux en France, qu’il s’agisse de la Sécu ou de la mutualité sociale agricole. Oui, ils ont bel et bien dû créer un tribunal spécial rien que pour gérer tout ça !

Les sections disciplinaires : Il en existe beaucoup, une pour chaque ordre professionnel (médecins, avocats, notaires et autres spécialités…). Ces sections règlent en interne les fautes professionnelles, les litiges et les fautes déontologiques au sein de chaque corps de métier. Les représentants desdits métiers y sont jugés par leurs pairs selon des modalités variables.

Le tribunal d’instance : Il fait tout et n’importe quoi. Y sont jugées toutes les affaires civiles dont la demande porte sur un montant inférieur à 7600 euros (loyers, injonctions…) mais aussi les PACS (ruptures et établissements), les actes de notoriété, les demandes d’aide juridictionnelles, le contact avec les juges de proximité, les certificats de nationalité, les tutelles et curatelles… Et les procurations.

Le tribunal de grande instance : Comme le tribunal d’instance, c’est le fourre-tout de la République, mais sur des sommes dépassant 7600 euros. Les juges de grande instance s’occupent aussi de certains autres conflits spécifiques, quel que soit le montant de l’affaire, tels les divorces, les successions et filiations, les adoptions, les saisies immobilières…

La cour d’appel : Cette juridiction du second degré permet aux partis qui ne sont pas d’accord avec la décision rendue par un juge de faire réexaminer l’affaire, du moins dans certains cas et selon la loi… Elle possède plusieurs chambres (civile, sociale, criminelle). Attention, depuis 2000, les verdicts des assises portés en appel sont rejugés devant une nouvelle cour d’assises.

La cour de cassation : Elle vérifie que la procédure a bien été respectée lors d’un procès, et que les règles de droit ont été correctement appliquées par les tribunaux, voire même par les cours d’appel… Ce troisième degré de la justice peut renvoyer l’affaire devant les tribunaux concernés, mais la cour de cassation ne rejuge jamais l’affaire elle-même.

Le tribunal administratif : Lorsqu’un particulier ou une personne morale (entreprise, association, etc.) conteste une décision ou un acte administratif, c’est à eux qu’on s’adresse. Ce peut être une contestation du montant de l’impôt sur le revenu, une demande de réparation de dommages causés par des travaux publics, ou au sujet du refus d’un permis de construire, par exemple.

La cour administrative d’appel : Le nom est fort explicite, ce n’est rien d’autre qu’une cour d’appel spécialement conçue pour les tribunaux administratifs. Comme ça si vous n’êtes toujours pas content… Il est à noter que certains litiges administratifs sont réservés, par des lois spécifiques, à d’autres juridictions, notamment en ce qui concernent les crimes.

La Cour des Comptes : C’est un tribunal administratif qui gère publiquement les comptes de l’Etat (y compris les organismes publics, para-publics, les comptables publics, la sécurité sociale, et certains organismes privés spécifiques) et les litiges qui les concernent. Elle a le devoir d’assister le gouvernement dans l’application de la loi de finance (c'est-à-dire qu’elle aide à appliquer le budget).

Le Conseil d’Etat : C’est lui qui examine les GROS TRUCS administratifs, comme les demandes d’annulation d’un décret du Président de la République. Il examine comme une cour d’appel les contestations d’élections, et fait office de cour de cassation pour la cour administrative d’appel, notamment. Il peut aussi vérifier la constitutionnalité d’une loi.

Enfin, il y a le tribunal des conflits, un titre bien générique pour une institution tout à fait nécessaire et très spéciale: c'est la cour qui juge les conflits entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif, et tranche lorsque deux cours veulent juger la même affaire (ou qu'elles se déclarent au contraire toutes les deux incompétentes, ou qu'elles ont pris des décisions contradictoires).

Voilà. Il existe bien d’autres tribunaux et cours (La France est un pays qui se targue d’être compliqué, et qui préfère construire de nouvelles institutions alors que les premières sont encore ne place, les laissant volontiers pourrir sur place plutôt que de réformer… passons) mais vous devriez pouvoir vous débrouiller avec ceux-là. Et si vous ne savez toujours pas où aller, demandez à un agent de police…

Ils sont là pour ça. Aussi.

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Commentaires
S
Un talent de plus, tu es excellent pédagogue, concision, précision, humour; enfin, le guide pour le plus grand nombre, dur de venir le chercher dans ce blog trop peu fréquenté, qu'on se le dise, il y a TOUT ici,<br /> Amicalement
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