La (pas très) Fantastique et (pas non plus) Très Intéressante Epopée (presque) Sauvage pour des Courses (même pas) de Noël !

Je ne sais pas si vous faites comme moi mais pour Noël, dans ma famille, on décore un sapin, et on place nos chaussures en dessous. C'est la tradition, comme de ne pas ouvrir ses cadeaux avant le 25... D'une part parce que mon neveu croit encore au père Noël, et d'autre part... Comment dire ? Ce ne serait pas Noël sans cela. C'est vrai, ce serait... Je ne sais pas, juste pas pareil.

Comme un Noël sans la rediffusion annuelle du Jour le plus Long en novembre-décembre, sans crachin à Paris (avec de la chance, on aura même droit à un peu de ragougnasse gris-marron façon neige dans les caniveaux), sans grève traditionnelle de la RATP (il faut bien qu'ils puissent acheter leurs cadeaux, alors chaque année ils trouvent un prétexte pour bloquer tout le monde. C'est égalitaire, au moins)...

Ou en étais-je ? Je suis distrait en ce moment, ça doit être le stress de Noël. Ou les soucis. Oui. Ne riez pas, même quand on n'en a pas on s'en trouve, et il y a toujours ceux des autres si on n'en a pas assez, surtout en cette saison. Bref... Ah oui, sapin grève, Jour le plus long, godasses. Donc, je me suis aperçu que je n'avais que de vieilles paires quasi trouées après des années de bons et loyaux services.

Hors de question que je présente ça sous un sapin. Qu'à cela ne tienne, une paire de chaussures ne coûtant pas si cher que ça, me voici dehors dans le froid et les magasins alors que j'ai fini mes courses dites "de Noël" depuis longtemps. Oui, je suis prévoyant, quand bien même je n'ai réussi à éviter que la moitié de la cohue, vu que tout le monde semble être aussi prévoyant que moi cette année...

Le quartier des grands magasins parisiens en période de fête, c'est comme le reste de l'année, les décorations immondes de Jean-Charles de Castelbajac en plus et celles de Jean-Paul Goude en moins. Et ça fait des années qu'ils réutilisent exactement les mêmes, et que les vitrines de Noël sont aussi imaginatives. C'est à dire nulles. Je ne voudrais pas donner dans la nostalgie, par définition inutile, mais de mon temps...

Quand j'étais plus jeune, tout le sixième étage des grands magasins était entièrement voué aux enfants, rempli de jouets, de saynettes et de décors festifs, avec un Papa Noël à barbe de polyester disponible pour des photos... Et TOUTES les vitrines, à Noël, étaient remplies de jeux et jouets animés par des moteurs et du fil de pêche. Simple et efficace : Les enfants ne demandent pas la qualité Disney tout le temps !

D'autant que c'était les vrais jeux et jouets, pas des peluches non commercialisées décevantes ou des trucs en papier mâché comme maintenant. La dernière trouvaille : des pots en papier mâché mal animés dans un atelier de fabrication de pots en papier mâché. Rien à voir avec un quelconque objet réel, ni avec Noël. Et c'est l'une des seules vitrines dédiées aux enfants (avec une petite estrade pour eux).

Parce que quand je dis TOUTES les vitrines, c'est toutes : Sur toute la façade des boulevards et même dans les ruelles latérales, il n'y avait aucune vitrine pour les adultes, aucune avec des mannequins en robes, aucune avec des accessoires de cuisine, aucune avec ces stupides toutes petites cases colorées tendance avec un ou deux sacs posés "artistiquement", pour les précieuses ridicules de notre temps.

Mais progressivement, les designers se sont emparés de Noël et en ont fait une parodie minimaliste. Un ou deux mannequins épurés par vitrine, à peine un thème de couleur. C'est bien simple, les vitrines durant l'année sont plus exubérantes que pendant Noël. Il y a plus de choses en vitrine lors des soldes de janvier qu'à peine quelques jours plus tôt... C'est tout de même un comble, vous ne trouvez pas ?

Et de toutes façons, j'ai cessé de me fournir aux grands magasins pour les jouets de mon neveu, puisqu'ils ont moins de choses qu'ailleurs, que c'est le même prix, et qu'ils sont malaimables. Depuis longtemps, on dirait bien qu'ils ont fait le pari commercial (à tort, on le voit !) d'expulser les enfants de la fête de Noël, qu'ils habitaient pourtant de plein droit, pour dorloter les vieilles rombières en Chanel.

Passons. J'étais là pour acheter des chaussures, je me suis donc dirigé vers le magasin design et tendance d'articles de sports et streetwear (quelle appellation intéressante simplement pour dire que le magasin propose aux riches de s'habiller en pauvre pour très cher, aux pauvres de s'habiller comme des sacs en se ruinant, et à tous les autres de s'habiller pareil comme des clones) appelé Citadium.

Au milieu de clients d'aspect tout à fait habituel, classe moyenne, bourgeois, pas du tout "racaille" ou "cité" au contraire de ce que suggère le décor douteux du magasin (en noir pour Noël, avec le slogan "Noël is black"... Encore une fois, ils ont dû louper un truc, normalement, le noir c'est la Toussaint, le deuil, tout ça... ), j'attends qu'un vendeur vienne se pointer, grolle en main.

Oui, il faut vous dire que je sais toujours ce que je veux quand j'achète des chaussures, et presque toujours pour les vêtements. Le stéréotype gay ne s'applique pas à moi : Je déteste faire les soldes, la promiscuité des midinettes, les vendeurs ineptes, et je vois rarement l'intérêt de faire ça quand on n'en a pas besoin. Donc là, j'ai repéré le modèle sur Internet avant, et le trouver a pris trente secondes.

Pour ça, c'est pratique : ils ont tous les modèles de base et quelques autres moins conventionnels sur un genre de rayon circulaire spécial chaussures, classé par marques. Pas besoin, comme ailleurs, d'aller de stand en stand au travers tout le magasin. Ayant attendu en vain l'apparition d'un vendeur, je délaissai les autres clients pour un autre rayon mieux loti en personnel pour faire appeler quelqu'un.

Je refuse de faire le clampin comme les veaux, les cons et les touristes (le cumul est permis). Ce n'est pas que je n'ai pas de patience, mais il me répugne en effet d'attendre sans être sûr que quelque chose va se produire, d'une façon générale, quand je sais ce que je veux et que j'ai mieux à faire. Et même si je n'ai rien à faire, c'est forcément mieux. Donc j'ai fait appeler un vendeur par une "déballe-carton" à l'oeil atone.

Ils doivent les cloner, celles-là. Elles servent de caissières, sortent les articles de la réserve, vérifient les prix, et font une vente de temps en temps, mais rarement. De nos jours elles sont plutôt basanées (ce qui me met en joie rien que parce que ça fait bisquer les shoppeuses semi-fripées qui votent De Villiers et "autres droites"), mais quelle que soit la couleur, elles ont l'oeil et la fraîcheur d'un merlan du même âge (20, 25 ans).

Dix minutes plus tard, le temps d'attendre le vendeur (qui était en fait une vendeuse, mais on s'en fout), de lui dire "ça en telle taille, s'il vous plaît", d'essayer brièvement, de payer, et me voilà parti. Et les autres clients pleins de sacs et de courses, dépités de ma prestesse, jaloux de ma jolie vendeuse bien efficace, bref, sur le cul de ne pas avoir levé le leur. Ben oui, mais aussi, ils font tout pour. Ils doivent aimer ça.

Et voilà, c'était l'achat passionnant et rocambolesque de mes chaussures. Il n'y a pas de chute, il n'y a pas de fausse surprise du genre "elles ne me vont pas finalement" ou "je les ai perdues" ou "on m'a piqué le sac" ou "elles sont moches" ou "mon chien les a mangé", il ne se passe rien après, si ce n'est que je suis l'heureux possesseur d'une paire de cons. Enfin, de "Converse". Noires, pour ceux que ça intéresse.

Sic transit gloria mundi, amen.

Comments

[Creekety]

Dur dur de s'enfiler tout ces mots pour une fin si... surprennante.
J'en ai encore des frissons et j'avoue être satisfait de ne pas comprendre ta phrase en latin (ou je m'y emploie, meme si tu désires me l'expliquer, de peur de comprendre un truc sans supsence ni blague hillarante). Ca rend le tout plus mysterieu.

(oui, j'ai bien TOUT lu !!!)