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Côté Beurre
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6 novembre 2006

Remember Camembert

Hier, les enfants britanniques (et quelques autres du Commonwealth) ont tiré des feux d'artifices, et certains ont même brûlé des hommes de paille. Vous savez, comme la tradition pseudo-druidique de la Saint Jean d'hiver... Sauf que là, c'était Guy Fawkes Night. Ou Guy Fawkes Day, comme vous voulez. C'est une belle fête, pas chômée, plus civique que religieuse, et tout à fait dans l'air du temps.
Et hier, j'étais trop occupé avec mes malheurs d'ordinateur pour vous en parler, mais là, je compense.

Je vous explique : Avant chaque 5 Novembre, les enfants fabriquent des effigies de paille appelées "Guys" (du nom de Guy Fawkes), et les promènent de porte en porte en demandant "a penny for the Guy" (un sou pour Guy). Quand il fait bien nuit le 5 Novembre, les effigies sont brûlées en feu de joie, on tire des feux d'artifices, et d'aucuns dégustent des gâteaux anglais immangeables.

C'est une charmante commémoration de l'échec du premier attentat à la bombe de l'histoire moderne, lequel devait avoir lieu le 5 Novembre 1605. Guy Fawkes était l'exécutant principal d'un groupe de fanatiques catholiques (aujourd'hui nous dirons terroristes fondamentalistes...) qui fut pris la main dans le sac, prêt à faire sauter environ 1800 tonnes de poudre à canon.
Les barils étaient disposés dans les caves du Parlement anglais, et devaient exploser alors même que le Roi Jacques Premier (James the first, celui-là même qui permit la fondation de la première colonie anglaise au Nouveau Monde, Jamestown) y donnait un discours. La réussite du plan aurait éliminé d'un coup le Roi et la plupart des membres des deux chambres, en majorité protestants.
C'est d'ailleurs depuis ce temps-là qu'on ne réunit plus jamais tous les représentants du législatif avec ceux de l'exécutif dans le même bâtiment, du moins dans les régimes occidentaux modernes, du moins pas sans avoir mis à l'abri le Vice-Président ou quelqu'un d'autre dans la ligne de succession de l'exécutif. Guy Fawkes et ses co-conspirateurs furent jugés, et exécutés entre autres pour haute trahison.

Ce fut ce qu'on appelle encore aujourd'hui le "Gunpowder Plot", ou Complot des Poudres. Je vous passe les détails, mais les terroristes de l'époque étaient déjà des fanatiques (des papistes) travaillant pour la gloire de leur foi quitte à se suicider. Ils s'attaquaient à la plus grande puissance économique du moment (l'Angleterre) en pleine période de tensions religieuses (les guerres de religion, eh oui !).
La plupart des conspirateurs avaient, en secret, le soutien d'états "voyous" adversaires de l'Angleterre et jaloux de sa puissance (L'Espagne et leurs laquais hollandais), et Guy Fawkes s'appelait en fait Guido... Ils avaient prévu une suite au plan, et on les a fait avouer sous la torture, car déjà à l'époque il n'y avait aucun autre moyen. Comme vous le voyez, c'est tout à fait dans l'air du temps !
Et pourtant, allez savoir pourquoi, cette fête tombe en désuétude. Il est vrai que nous avons aujourd'hui quantité de normes de sécurité qui protègent les cons d'eux-mêmes, leur confisque les allumettes et des tas d'autres trucs dangereux pour les enfants. il n'est donc pas possible sans aide professionnelle d'allumer un feu de joie dans la rue... Sauf si on participe à une émeute de banlieue, bien sûr.

Et puis tout le monde à envie de se distancier des guerres de religions, surtout entre chrétiens, plutôt que d'en prendre de la graine et d'éviter qu'on se retrouve avec le grand retour de la Saint Barthélémy. Déjà que les citations malencontreuses (mais faites exprès) du Pape n'ont pas fait de bien, que dire d'une comptine traditionnelle dont les derniers vers célèbrent la mort du Pape au bûcher ?

Je ne résiste pas à l'envie de vous citer la comptine en question. De nos jours, seuls les quatre premiers vers sont chantés, rarement plus, et certes pas la dernière partie. Suit une traduction par mes soins, juste après... Au fait, si vous voulez voir des références moderno-futuristes pas du tout déguisées à Guy Fawkes, consultez la bande dessinée d'Alan Moore "V for Vendetta".
En évitant le film feel-good anti-Bush des frères Wachowski, ceux qui ont déjà commis Matrix, le film qui vieillit le plus au monde.

Remember, remember, the 5th of November
The Gunpowder Treason and plot ;
I know of no reason why the Gunpowder Treason
Should ever be forgot.
Guy Fawkes, Guy Fawkes,
'Twas his intent.
To blow up the King and the Parliament.
Three score barrels of powder below.
Poor old England to overthrow.
By God's providence he was catch'd,
With a dark lantern and burning match
Holloa boys, Holloa boys, let the bells ring
Holloa boys, Holloa boys, God save the King!
Hip hip Hoorah !
Hip hip Hoorah !
A penny loaf to feed ol'Pope,
A farthing cheese to choke him.
A pint of beer to rinse it down,
A faggot of sticks to burn him.
Burn him in a tub of tar,'
Burn him like a blazing star.
Burn his body from his head,
Then we'll say: ol'Pope is dead.

Traduction approximativement rimée et qui respecte le sens :

Souvenez-vous, souvenez-vous du cinq Novembre,
Trahison des poudres et complot;
Des poudres la trahison je ne vois pas de raison
De l'oublier de sitôt.

Guy Fawkes, Guy Fawkes
Voulait de ce temps
Faire exploser Roi et Parlement.
Trois fois vingt tonneaux de poudre sous terre,
Pour renverser la pauvre Angleterre !
Grâce à Dieu il fut attrappé
Avec l'alumette allumée.

Hôlà les gars, hôla les gars, résonnez hautbois,
Hôla les gars, hôla les gars, Dieu sauve le Roi !

Hip hip hourra !
Hip hip hourra !

Un quignon de pain pour le Pape au dîner,
Un liard de fromage pour l'étouffer,
Une pinte de bière pour faire passer,
Un fagot de bois pour le brûler.
Brûlons-le dans de la poix noire,
Brûlons-le comme l'étoile du soir,
Brûlons-lui la tête d'abord,
Et l'on dira "le Pape est mort !"

Ne reconnaissez-vous pas le rythme martial, les paroles incendiaires (c'est le cas de le dire) et les mâles accents de la propagande dans ces comptines pourtant populaires, composées par un peuple indigné face à la perspective d'horribles attentats ? Et ça fait exactement 401 an et un jour que c'est arrivé, tout ça. Comme quoi, plus ça change et plus c'est la même chose.

Guy_Fawkes_et_ses_conjur_s

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