Poumon d'acier

Nous sommes tous trop tributaires de la technique. Me voilà forcé de jouer les luddites une fois de plus. Si vous ne connaissez pas les luddites, je vous suggère de vous renseigner : Ce sont ces rétrogrades gorgés de biscottes végétaliennes qui refusent toute forme de technologie dans leurs huttes de bouse séchée, et rédigent leur prochain tract contre la vaccination et les antibiotiques (sur papier recyclé avec un crayon équitable) avant de demander à leur copain communiste de le poster à leur place sur Internet.

Je caricature, évidemment, mais ce n’est pas le sujet. Allons, je vais vous donner les nouvelles du front, vous verrez bien. Depuis plus d’un an, la macabre carcasse de mon dernier PC, à plat comme son écran et mort au champ d'honneur, repose sur mon bureau, cimetière à l’unique éléphant. Mon téléphone fixe est aussi passé en pertes et profits depuis quelques mois. La ligne générale fonctionne bien, c’est juste le récepteur de mon poste qui n’est plus opérationnel, et les autorités compétentes ne veulent pas le réparer.

Il est vrai que ça n’est pas vital, c’est juste extrêmement utile ! Pourtant, ce téléphone avait donné depuis des lustres des signes de faiblesse, des bourdonnements et des grésillements… Sciemment ignorés. Je me débrouille donc avec mon téléphone cellulaire, minuscule petite merde déjà archaïque qui va bientôt rendre l’âme, mais ça n’est pas facile. Il y a deux semaines, ma lampe de bureau a cessé d’éclairer et nous avons entamé les recherches pour récupérer une ampoule compatible, jusqu’ici en vain.

Enfin, hier, mon ordinateur portable, qui me servait à surfer sur Internet, écrire, travailler, rechercher du boulot, me distraire, télécharger des fichiers et joindre nombre de mes amis (que je n’ai aucun moyen de contacter autrement) et écrire ces élucubrations, est tombé malade. Son graveur de DVD était tombé en panne, et il chauffait beaucoup, mais il marchait… Ce samedi, la pauvre machine m’avertissait de contacter un réparateur pour régler le problème de surchauffe, car il y avait danger.

Aujourd’hui, le chirurgien de la tranchée (un médecin plus habitué au triage qu’au traitement, et plus prompt à amputer qu’à soigner) a ouvert la vaillante petite machine, « pour voir », sans en connaître le fonctionnement. Après avoir sommairement décrassé ses ventilateurs et suturé la plaie, sans mon consentement, il a constaté (quelle surprise !) que plus rien ne marchait : l’écran noir est pour ces animaux-là le signe d’un profond coma.

Il reste une chance à la bête qui se meurt, le bruit accru de son système de refroidissement rythmant sa respiration laborieuse, c’est de l’emmener dés lundi à l’hôpital pour PC, où un docteur plus compétent et doté de meilleurs instruments pourra s’en occuper. Espérons qu’elle s’en sortira… Sans quoi nous n’aurons plus qu’à conserver d’elle nos meilleurs souvenirs, c'est-à-dire sa mémoire, purgée sur quelque disque dur portable.

C’est un moment difficile pour moi aussi, mais ma famille me soutient dans l’adversité : Je vous fais parvenir ce billet via le frère de mon ordinateur, qui accompagne ma mère depuis quelques temps déjà. A part quelques excentricités, il ne donne pas de réel signe de faiblesse. Gardons l’espoir !